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La Belgique et la Hollande ont conservé la législation et les institutions répressives de la mendicité, que nous leur avions transmises pendant leur réunion à la France. Mais depuis 1818 on y a introduit de grandes améliora

centes créatures étaient cruellement maltraitées si elles ne rapportaient pas à la maison la somme qui leur avait été fixée. »

«Mais le mal ne s'arrêta pas là. Les mendians persécutèrent tellement les passans de leurs demandes, qu'on ne trouva de meilleur moyen de s'en débarrasser qu'en leur donnant. Ils se crurent alors en droit de continuer leurs déprédations. Leur nombre s'accrut tellement que la mendicité finit par être un métier; et l'habitude en devint si générale qu'il cessa d'ètre infamant, et avait, pour ainsi dire, déjà commencé à faire partie intégrante de l'organisation sociale. »>

<< Les mendians s'étaient partagés la ville par quartiers, et l'on héritait, à la mort d'un parent ou d'un ami, du droit d'exploiter celui qu'il avait exploité pendant sa vie. Ce droit s'acquérait aussi par alliance. »

On peut se faire une idée de la quantité des mendians qui existaient alors en Bavière, en remarquant que, dans les quatre années qui suivirent l'exécution du plan de répression dont nous allons parler, on arrêta 10,000 vagabonds, et que, dans son origine, on fit main-basse, en une seule semaine, sur 2,600 mendians à Munich, qui ne comptait, avec ses faubourgs, que 70,000 âmes.

Enfin, la charité publique était fatiguće, épuisée; dans un tel état de choses, le comte de Rumford, ministre alors en crédit auprès du roi, résolut de faire tout d'un coup un grand effort, sauf à régulariser ensuite les moyens de le soutenir. A cet effet, il pria les personnes les plus distinguées par leur rang et leur réputation, de se mettre à la tête de l'établissement par lequel on devait donner du travail aux pauvres capables de travailler, et pourvoir aux besoins des infirmes et des invalides.

On composa un comité des présidens du conseil de guerre, du conseil de régence des princes, du conseil ecclésiastique, et de la chambre des finances; chacun d'eux s'adjoignit un conseiller de son choix : nul n'était salarié.

Le comité tint ses séances dans un local ad hoc, eut des officiers subalternes et une garde de police payée par le trésor. Ce fut un des premiers banquiers de la ville qui fut le caissier de ce comité, et chaque mois on publia les comptes imprimés des recettes et dépenses.

Les fonds furent fournis par une allocation sur la cassette du roi et par les souscriptions des particuliers et des membres du comité.

On crut que l'habitude d'une vie plus aisée, avec du travail, les ferait plus aisément rentrer en eux-mêmes, et les ramènerait à de bons sentimens. On leur donna donc de bonne nourriture, de bons vêtemens, et on

tions en donnant aux dépôts de mendicité une destination de travail agricole. Nous nous proposons de revenir ailleurs sur cet objet qui mérite d'être exposé avec quelque étendue. Dans le midi de l'Europe, en Italie, en Espagne

s'attacha à leur faire observer une grande propreté comme étant un moyen plus puissant qu'on ne l'imagine sur le moral.

On leur fournit des outils et des matières premières, on les instruisit, on leur paya leur besogne à la tâche, et on y ajouta une gratification particulière qu'on paya chaque samedi au soir à ceux qui la méritaient.

On défendit les mauvais traitemens et les moindres injures en paroles repréhensibles.

On établit, dans le local affecté aux pauvres, des filatures de chanvre, de lin, de coton et de laine; des métiers à différens genres d'étoffes ; une teinturerie et un moulin à foulon.

On poussa même la recherche jusqu'à embellir l'intérieur de l'édifice, ct l'on plaça au-dessus de la porte d'entrée ces mots écrits en lettres d'or : Ici on ne reçoit pas l'aumône.

Mais il est curieux et important de connaître comment le comte de Rumford s'y prit pour exécuter son plan de répression de la mendicité.

Il profita du premier jour de l'an 1790, où les rues étaient encombrées de pauvres, pour effectuer leur arrestation; sur sa demande, les officiers supérieurs militaires et les principaux magistrats consentirent à lui prêter main-forte. Cette réunion de pouvoirs civils et militaires devait ôter aux arrestations tout caractère de violence.

Le comte donna lui-même le premier exemple en arrêtant de sa propre main un mendiant qui lui demandait l'aumône. Tous les pauvres arrêtés furent expédiés à l'hôtel-de-ville, où on enregistra leurs noms; on les renvoya ensuite chez eux, avec invitation de se rendre le lendemain à la maison d'industrie militaire, où ils trouveraient de bonne soupe chaque jour, des chambres bien chauffées et du travail. On leur annonça aussi qu'une commission était chargée d'examiner la situation particulière de chacun d'eux, et qu'on accordait des secours pécuniaires et hebdomadaires à ceux qui en mériteraient.

Des patrouilles désarmées achevèrent les arrestations; on multiplia les souscriptions, les troncs dans les églises ; on abolit toute espèce de collectes, toute aumône isolée, et toute espèce de mendicité, sous quelque prétexte que ce fût. Un des revenus de l'établisssement consista en secours en nature de la part des bouchers et des boulangers, qui s'affranchirent ainsi avec empressement des exigences fatigantes, et même inquiétantes, des mendians.

On distribua à chaque pauvre le travail dont il était capable; les jeunes garçons, les vieillards et les valétudinaires cardaient la laine, et les jeunes

et en Portugal, les hôpitaux, les aumônes et les ateliers de charité, sont, en général, les seuls moyens employés à l'égard de la mendicité.

En 1651, Charles-Emmanuel, roi de Sardaigne, défendit la mendicité à Turin et dans son territoire. Son illustre successseur, Victor-Amédee, compléta ses réglemens par l'institution de congrégations charitables dans toutes les villes principales du royaume, et par l'établissement d'hôpitaux généraux destinés à procurer aux mendians du travail, un asile et une instruction morale. Il fut interdit à toute personne de donner des aumônes individuelles, sous peine de cinq livres de Piémont d'amende et du double en cas de récidive, lesdites amendes applicables aux hôpitaux. Les édits de ce prince furent approuvés par une bulle du pape Innocent XII, accordant des indulgences aux membres des congrégations. Le recueil des ordonnances de Victor-Amédée, publié à Turin, en 1717, sous le titre de la mendicità sbandita, par le père Guevarra, de la société de Jésus, renferme, sous le rapport de l'ordre et de la comptabilité, des modèles d'une sage administration (1).

Dans les états du Saint-Siége, la mendicité avait été

enfans incapables de travailler restèrent dans les chambres de leurs père et mère, ou de leurs compagnons, pour les y voir travailler.

On chercha à faire naître l'émulation parmi eux en instituant des récompenses pour la conduite, l'application, l'industrie et l'habileté. On accorda des éloges, des distinctions, des grades, un costume particulier : ce dernier moyen fut un des plus puissans.

Le nombre de ceux qui dìnaient à la maison d'industrie militaire était de 1,000 en été, et de 1,200 en hiver. Le nombre s'éleva quelquefois jus qu'à 1,500, parce qu'il y a des pauvres qui ne venaient que pour diner. Le comte de Rumford se trouva heureux de voir alors le changement qui s'opéra tant dans le physique que dans le moral des pauvres.

(M. Iuerne de Pommeuse, des colonies agricoles.) (Voir aussi la Collection des mémoires sur les hôpitaux, prisons, etc., publiée par les soins de M. le comte François de Neufchâteau. )

(1) Nous avons dù la communication de ce recueil rare et curieux à

proscrite à plusieurs reprises. Pie V, en 1566, fit défense de mendier dans les églises. Grégoire XIII interdit la mendicité dans tout le territoire soumis à sa souveraineté. Sixte V rendit des lois très sévéres contre les mendians valides, et Innocent XII renouvela les décrets de ses prédécesscurs dans une bulle du 20 mai 1695, provoquée sans doute par l'exemple du roi Victor-Amédée. Mais peu à peu ces sages mesures, contrariées par les révolutions politiques de l'Italie, tombèrent en désuétude. L'interdiction de la mendicité s'alliait à des institutions religieuses qui furent supprimées ou privées de leurs dotations. En 1810, l'administration française chercha à employer les mendians valides à des ateliers de charité ou dans des maisons de travail. A son départ, les aumônes redevinrent la seule resource des mendians. Néanmoins, grâce aux innombrables institutions de charité qui existent à Rome, cette ville qui passe pour être le foyer de la mendicité, est loin de nourrir autant de pauvres oisifs que beaucoup de villes renommées par leur opulence et par leur bonne police. On n'y compte guère plus de mendians que dans les principales villes de France. Les villes de Nice, de Gènes, de Pise et de Naples en présentent un bien plus grand nombre, pendant la saison rigoureuse. A Gênes et à Naples surtout, on est offusqué par le nombre et l'importunité des mendians qui poussent quelquefois la hardiesse jusqu'à frapper sur le bras des passans. En Toscane seulement, Léopold est parvenu à proscrire à peu près la mendicité par de sages réglemens basés sur l'obligation du travail.

En Turquie, pays où la charité et l'antique hospitalité se sont conservées, plus peut-être que dans aucune autre contrée, il n'existe de véritables mendians que

F'obligeance de S. Exc. M. le comte de Cessoles, président du sénat de Nice, dont la famille a fondé de précieux établissemens de bienfaisance dans cette ville, et qui s'occupe, avec le zèle le plus éclairé, de l'amélioration du sort de l'indigence.

dans les grandes villes et dans les quartiers des Francs. Il ne paraît pas qu'aucune loi y punisse la mendicité. L'aumône est une obligation de la loi religieuse.

Dans les Etats-Unis d'Amérique, des hospices qui sont à la fois des dépôts de mendicité agricoles, donnent du travail et un asile aux mendians, et semblent destinés à servir de modèles aux autres établissemens du même genre que l'on voudrait fonder. Celui de Baltimore est un vaste édifice composé d'un corps de logis et de deux ailes, capable de recevoir huit à neuf cents personnes, situé à environ une lieue de la ville et qui s'élève sur une ferme d'environ trois cents acres ou arpens, et renferme : 1o une infirmerie, 2o un hôpital pour les femmes en couche, 3o un atelier pour les vagabonds et mendians en état de travailler, 40 un asile et une école pour les enfans, 50 une maison d'aliénés, 6o une école de chirurgie.

Les fonctions de secrétaire, maître d'école, garde-malades, cuisinier, sont remplies par des indigens auxquels on donne une rétribution proportionnée à leur service.

Tout pauvre qui sort de l'établissement sans aucune autorisation, et sans l'avoir défrayé, par son travail, des dépenses qu'il a occasionnées, se rend coupable d'un délit que la loi punit d'une année d'emprisonnement.

On retire à ceux qui se présentent, les vêtemens et objets qu'ils ont sur eux, et on leur donne en échange un habit uniforme jusqu'à leur sortie. On met les enfans en apprentissage à tout âge. Une fois admis dans l'établissement, leurs pères et mères perdent tout droit sur eux et ne peuvent s'opposer à ce qu'ils soient placés, si on peut le faire avantageusement. La maison renferme environ quatre cents pauvres (1), dont la majeure partie a été réduite à l'état d'indigence par l'intempérance habituelle. On y compte un quart d'enfans, un quart de vieillards ou

(1) La population de Baltimore est de 63,000 habitans.

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