Page images
PDF
EPUB

courager la formation des sociétés libres de bienfaisance, qui agiront, soit comme conseils consultatifs, soit comme auxiliaires charitables et utiles, et qui obtiendront, n'en doutons pas, l'approbation et la protection du roi et de cette famille auguste dont la bienfaisance semble la vertu innée et héréditaire; appeler sur les moyens de rendre les indigens meilleurs et plus heureux les méditations et les lumières des sociétés savantes et philantropiques que possède le département; associer étroitement, à nos efforts, les dignes ministres d'une religion fondée sur la charité infinie, les respectables sœurs hospitalières, les médecins éclairés et bienfaisans qui consacrent leurs soins à l'humanité souffrante et misérable, et les directeurs des grands établissemens d'industrie; telles sont, messieurs, les obligations qui nous sunt communes et que je m'efforcerai de remplir, pour mon propre compte, en autorisant et en provoquant même la réunion des conseils municipaux et des propositions d'allocations de fonds, toutes les fois que vous le jugerez nécessaire, dans l'intérêt de la classe indigente.

Déjà, messieurs, dans plusieurs villes, des sociétés se sont formées pour l'extinction de la mendicité. En réunissant dans un centre commun et en employant avec discernement et sagesse les aumônes distribuées individuellement par la charité publique et accordées le plus souvent à l'importunité, on est parvenu à procurer assez de travail ou de secours aux indigens, pour acquérir le droit de les empêcher de mendier. De tels exemples doivent encourager la formation de semblables institutions et de beaucoup d'autres qui se rattachent à l'amélioration physique et morale de la classe malheureuse. Dans un pays tel que la France, le germe du bien est dans tous les cœurs; il suffit de le développer, pour lui voir produire les fruits les plus abondans. Je me plais à citer ici l'éloquente énumération, faite par un écrivain philantrope *, des avantages de l'esprit d'association appliqué aux œuvres de bienfaisance.

<< La diffusion de l'esprit de bienfaisance, le frein mis à l'égoïsme, l'appui que reçoivent les idées morales et religicuscs, le renoncement à la routine, aux préjugés, aux voies étroites; une voie ouverte à beaucoup de jeunes gens dont la brûlante activité ne cherche qu'un aliment pour se satisfaire, à beaucoup d'individus qui souvent ne savent comment employer leur temps et leur fortune, et qui peuvent ainsi utiliser leur vie; le rapprochement heureux d'hommes de bien et éclairés, faits pour s'aimer et s'estimer, dont les vertus sympathiques s'encouragent mutuellement; le patronage et les liens bienveillans qui s'établissent entre les classes élevées et riches et les classes inférieures; les améliorations progressives introduites dans la vie physique et morale du peuple ; les bienfaits indirects que recueille l'administration; de nouvelles garanties données à la tranquillité de l'état ; des sources vivifiantes de prospérité répandues dans tout le corps social. »

Je ne pouvais sans doute mieux terminer, messieurs, les considérations importantes que j'avais à mettre sous vos yeux.

· M. Gustave Degéraudo.

Je vous prie de donner lecture de la présente instruction au bureau de bienfaisance et au conseil municipal, lors de leur plus prochaine réunion. Je vous recommande de vouloir bien adresser exactement, d'ici au 1o octobre prochain, à MM. les sous-préfets (au préfet pour l'arrondissement de Lille) :

1o Les listes d'indigens;

2° Un tableau numérique;

3o Un projet de réglement sur le mode d'admission et de distribution des secours à domicile, basé sur les principes et les règles qui viennent d'être rappelés;

4° Un mémoire raisonné sur la situation physique et morale des individus de votre commune, sur les véritables causes de leur indigence, et sur les moyens pratiques que les localités peuvent offrir pour améliorer le sort de la classe indigente, sous le rapport de l'instruction morale et religieuse, du travail, de l'ordre et de l'épargne, et enfin de l'assainissement de ses demeures.

Je oraindrais de faire injure à votre cœur, si j'exprimais aucun doute sur l'empressement et les soins que vous apporterez à remplir mes intentions, sur l'objet de la présente circulaire.

Agréez, messieurs, l'assurance de ma considération distinguée.

[G]

Vicomte de VILLENEUVE.

A MM. LES SOUS-PRÉFETS, MAIRES, ET MEMBRES DES

COMMISSIONS ADMINISTRATIVES DES

HOSPICES ET DES

BUREAUX DE BIENFAISANCE.

Lille, ce 31 août 1829.

Messieurs, l'instruction générale que j'ai eu l'honneur de vous adresser le 30 juillet 1828, sur les moyens d'améliorer le sort de la classe indigente, si nombreuse dans ce département, et d'organiser d'une manière plus efficace et plus parfaite la distribution des secours à domicile, prescrivait deux dispositions principales: 1° la formation et la révision de la liste des individus admis aux secours annuels et provisoires dans les différentes communes du département; 2° la rédaction d'un projet de réglement sur le meilleur mode d'admission aux secours et de distribution par les bureaux

de bienfaisance, et d'un mémoire raisonné sur la situation physique et morale des indigens de chaque commune, sur les véritables causes de leur indigence, et sur les moyens pratiques que les localités pourraient offrir pour soulager la classe malheureuse, en lui donnant une instruction morale et religieuse plus complète, en développant son intelligence; enfin, en lui inspirant le goût et l'habitude du travail, de l'ordre, de l'économie et de la prévoyance.

[ocr errors]

Ces documens, messieurs, étaient indispensables à l'autorité supérieure pour connaître, d'une manière exacte et précise, la situation affligeante à laquelle elle s'efforce de chercher des remèdes.

Plusieurs commissions des bureaux de bienfaisance ne se sont pas pénétrées suffisamment de l'importance des renseignemens demandés et des mesures prescrites. Aussi leur travail (et c'est à regret que je le dis) n'a-t-il offert aucune vue utile. Mais le plus grand nombre a apporté, dans eette opération, de l'empressement, de l'exactitude et une sollicitude éclairée. Je leur dois un tribut de la satisfaction qu'il m'est doux d'acquitter.

Les mémoires qui m'ont été adressés, messieurs, ont été et seront l'objet d'un examen très approfondi : tous sont d'accord sur la nécessité de prendre des mesures promptes et efficaces pour remédier à un mal devenu extrême, et qui s'accroît de jour en jour : tous s'accordent également à assigner les mêmes causes à la misère profonde qui accable près d'un sixième l'insuffide la population du département; savoir le défaut de travail, sance des salaires, la surabondance d'enfans, et particulièrement l'ignorance, la paresse, la débauche et l'imprévoyance.

Quoi qu'il en soit, messieurs, il résulte de toutes ces observations l'obligation impérieuse ( surtout à l'approche d'une saison qui impose de plus grands besoins et des privations nouvelles) de s'occuper sans relâche d'une amélioration impérieusement réclamée dans l'intérêt de l'ordre social. Je viens donc vous recommander de nouveau l'application des dispositions prescrites par ma circulaire du 30 juillet 1828, dont je vais vous retracer les points principaux, avec les observations dont ils sont susceptibles.

FORMATION ET VÉRIFICATION DES LISTES D'INDIGENS.

Cette opération a fait reconnaître l'existence d'anciens et graves abus dans l'admission aux secours publics. Un grand nombre d'individus figuraient sur ces listes sans droit réel, et usurpaient ainsi le secours dû à la véritable indigence. Un tel désordre ne se renouvellera plus, si MM. les membres des administrations de charité apportent, sur cet objet, une attention scrupuleuse, vérifient souvent les listes, et raient, des secours annuels ou provisoires, tout indigent qui ne se trouve pas dans la nécessité de les recevoir, sauf à le rétablir sur la liste, si la condition venait à changer. Je ferai remarquer ici que toute admission ou radiation doit être prononcée par la commission de bienfaisance, après avoir pris les informations les plus exactes et les plus détaillées sur la situation des individus.

[ocr errors]

DISTRIBUTION A DOMICILE.

Je ne saurais assez insister sur la nécessité de multiplier, autant que possible, le nombre des distributeurs, ou mieux encore des visiteurs des pauvres. Outre l'utilité de propager l'esprit de bienfaisance, il est facile de comprendre qu'en assignant à un seul distributeur un trop grand nombre de pauvres, on lui interdit le moyen de les visiter souvent, et de s'occuper suffisamment de leurs besoins et de leur amélioration physique et morale. Il faut aussi s'empresser d'associer les dames à ces bonnes œuvres, car on ne saurait avoir une garantie plus complète de l'amélioration du sort des indigens, qu'en les confiant à leurs soins délicats et compatissans.

Dans quelques communes on avait pour habitude de donner tous les quinze jours, ou à des époques plus ou moins rapprochées, du pain ou de l'argent à certaines familles. Ce mode de secours est abusif et inefficace. Les secours doivent être toujours appropriés aux saisons, aux circonstances, aux individus, à la nature et à la cause de l'indigence; ils doivent changer et se modifier suivant la situation des individus. Je recommande donc instamment d'abandonner ce mode de distribution qui paraît, sans doute, plus facile et plus commode aux yeux des personnes dont la charité n'est pas raisonnée, mais qui entraîne une foule d'inconvéniens et d'abus que des soins attentifs et constans doivent s'attacher à faire dispa raître. J'espère que les commissions de bienfaisance auront eu égard à l'invitation que je leur ai faite de s'abstenir désormais de mettre, en adjudication au rabais, l'entretien des vieillards ou infirmes indigens de leurs communes. Je ne crois pas avoir besoin de leur faire sentir de nouveau tout ce que cet usage offre d'immoral et d'inconvenant. Ces vieillards ou infirmes doivent demeurer dans leurs familles, sauf à accorder à celles-ci (en supplément de secours) la somme destinée à payer la pension des vieillards ou infirmes chez des étrangers. Si ces malheureux n'avaient ni parens ni asile, alors il faudrait chercher le moyen de les faire admettre dans un hospice, ou, à défaut, le placer dans une famille honnête et charitable, qui voulùt en prendre soin, moyennant une rétribution modique.

Quelques communes ont demandé l'établissement d'impositions extraordinaires pour venir au secours de leurs indigens. Je dois leur faire connaitre que de telles mesures ne sont pas susceptibles d'être approuvées : sculement, l'administration est disposée à appuyer auprès du gouvernement les propositions qui auront pour objet, soit de former des ateliers de charité et de travail, soit des distributions de soupes économiques *, soit des chauffoirs et ouvroirs publics pendant la saison rigoureuse, soit l'é

⚫ On rappelle ici à MM. les membres des bureaux de bienfaisance que l'on emploie avec un grand succès la gélatine tirée des os, provenant des boucheries, dans la confection des sonpes

tablissement d'écoles pour les enfans et les adultes indigens. Il faut surtout éloigner de l'idée des indigens la persuasion, où trop souvent ils se laissent aller, que la société est dans l'obligation de pourvoir à leur existence. Sans doute ils ont droit à une distribution équitable et éclairée des revenus des bureaux de bienfaisance; mais ces secours sont plus spécialement destinés aux vieillards, aux infirmes et aux malades; et d'ailleurs, ils sont trop modiques pour devenir une ressource assurée. La charité particulière ne saurait être que volontaire; nul n'a le droit de l'exiger. C'est donc au travail, à l'industrie, à l'ordre et à l'économie, et à une bonne conduite, que les indigens doivent demander des moyens de subsistance. On ne saurait trop leur inspirer cette conviction, et c'est par ce motif que la charité publique (sauf pour les malades et les infirmes) doit toujours se montrer uniquement comme le prix du travail et de la bonne conduite.

RÉGLEMENT.

Pour aider les commissions de bienfaisance à adopter un réglement qui repose sur des principes uniformes et conformes aux instructions, j'ai fait rédiger un projet que je place à la suite de la présente circulaire, et dans lequel sont comprises les dispositions qui ont paru d'une application plus facile et plus utile. Je vous prie de vouloir bien l'examiner, et après y avoir fait les modifications que vous jugerez convenables, le présenter à mon approbation, par l'intermédiaire de MM. les sous-préfets qui l'accompagneront de leurs observations et de leurs avis.

MENDIANS.

Pendant l'hiver dernier, messieurs, on s'est plaint partout de l'excès et de l'abus de la mendicité. La rigueur de la saison, le défaut de travail et la cherté des denrées de nécessité première, ont dû nécessairement multiplier le nombre des individus forcés de recourir à la charité publique. Les autorités chargées de la police ont cru devoir user à cet égard de beaucoup de tolérance. Mais il devint indispensable, dans l'intérêt de l'ordre, de réprimer l'habitude prise de mendier hors de la commune du domicile, et surtout de mendier en troupe et avec menaces: ce qui a eu lieu dans plusieurs localités. A cet effet, messieurs, je crois devoir placer ici après les dispositions du Code pénal, concernant la mendicité et le vagabondage. Art. 269, 270, 271, 273, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281,

282.

Ces dispositions, messieurs, subsistent dans toute leur force je vous engage à tenir soigneusement la main à leur exécution, et à adresser à ces économiques. On les invite à se procurer et à consulter, à cet égard, un mémoire de M. de Puymaurin, directeur de la monnaie des médailles, à Paris. Ce mémoire est inséré dans le Bulletin de la société d'encouragement et dans les Annales de l'industrie française et étrangère, tome III, n° 5 Mai).

« PreviousContinue »