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de l'an 1284 fit inhibition aux Ecclésiastiques d'exercer l'art de la chirurgie, chirurgia artem, qui oblige à brûler, à faire des incisions, et à verser ainsi le sang humain (1). Le Concile d'Avignon de l'an 1594 fit la même chose pour la médecine: Artem medicam... exercere penitùs prohibemus (2). Le Synode de Nimes de l'année 1627, ajoute la peine d'excommunication et d'amende (3).

6o Il nous reste à parler du négoce et de l'administration des Commerce. affaires temporelles. Les Prêtres placés dans les paroisses doivent se livrer tout entiers aux fonctions de leur saint Ministère; il est nécessaire, il est vrai, qu'ils aient des moyens, pour vivre honnêtement et pour se rendre utiles à leurs paroissiens dans le besoin; mais c'est aux Evêques à faire des réclamations en leur faveur. Il importe aux Ecclésiastiques, de ne pas se laisser aller à la cupidité pour les biens temporels << Nul ne peut servir deux Maîtres, disait le Sauveur, car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et il méprisera l'autre : vous ne pouvez servir Dieu et l'argent » (4). C'est pourquoi S. Paul disait à Timothée : « Souvenez-vous que celui qui est enrôlé au service de Dieu, ne s'embarrasse point dans les affaires séculières, pour ne s'occuper qu'à plaire à Celui à qui il s'est donné » (5).

Conformément à cette doctrine, les Pères défendirent aux Clercs de se livrer à l'administration des affaires temporelles, comme nous le voyons par une lettre de S. Cyprien au Clergé et au peuple de Furnes: « Nous n'avons pas éprouvé, nos Frères bien-aimés, une médiocre surprise, tous mes Collègues dans le Sacerdoce présents, qui siégeaient ici, et moi-même, à la nouvelle que Géminius Victor, près de sortir de ce monde, avait institué par son testament Géminius Faustinus curateur de ses biens. Il y a longtemps, il devait le savoir, qu'une assemblée d'Evêques a défendu à tout Clerc, à tout Ministre de Dieu, d'accepter aucune

(1) Conc. Labb. tom. xi, Syn. Nem. de vita Cleric. pag. 1216.

(2) Ibid. tom. xv, Conc. Aven. pag. 1454.

(3) Hist. de Nimes, par Mén. preuv. pag. 295, Ed. Paris 1754.

(4) S. Luc. xvi, 13.

(5) 1 Tim. 1, 4.

tutelle ou curatelle, parce qu'un homme honoré du Sacerdoce, ou consacré au Ministère de l'Eglise, doit appartenir exclusivement à l'Autel, au Sacrifice et à la prière... La Loi ancienne nous montre les Lévites assujettis à des dispositions semblables... La même législation est encore en vigueur aujourd'hui à l'égard du Clergé. Voulant que ceux, qui sont admis dans les rangs de la Cléricature, ne soient jamais détournés de leurs fonctions, ni arrachés au Ministère de l'Autel et du Sacrifice, auquel ils doivent être fidèles le jour comme la nuit, l'Eglise les décharge des fardeaux du siècle, et leur donne une espèce de dime dans les honorables distributions, que nous devons à la charité de nos frères. C'est en méditant ces religieuses pensées et avec une salutaire prévoyance, que les Evêques, nos prédécesseurs, ont défendu à tout chrétien mourant d'appeler aucun Ecclésiastique aux fonctions de tuteur ou curateur » (1). S. Grégoire, Pape, s'exprimait sur cette question d'une manière bien précise: << Plusieurs, disait-il, s'appliquent souvent de tout leur cœur aux affaires séculières, comme s'ils ne se souvenaient pas qu'ils n'ont été établis sur leurs frères, que pour l'édification de leurs âmes. Cependant lorsqu'ils se plaisent à s'embarrasser dans ces soins, ils ne peuvent pas avoir présentes à leur esprit les choses intérieures et spirituelles, qu'ils sont obligés d'apprendre aux autres, ce qui ne peut manquer de causer de la tiédeur dans les peuples pour la pratique de la vertu... Moïse, qui avait le privilège de parler familièrement à Dieu, fut repris par Jéthro, qui n'était d'ailleurs qu'un étranger,de ce qu'il se fatiguait si inutilement dans les discussions du peuple,qui ne regardaient que la terre; et il lui conseilla d'établir à sa place des gens qui pussent s'occuper à vider ces sortes d'affaires, afin qu'il fût plus libre pour se livrer à la connaissance des choses spirituelles dont il devait l'instruire. Il faut donc que les séculiers s'emploient à régler ce qui concerne le siècle, et que les Prètres et les Pasteurs s'appliquent à des choses plus relevées, de crainte que l'œil, qui doit diriger les pas de ceux qui marchent, ne soit lui-même obscurci, par la poussière des affaires auxquelles il voudrait s'attacher. Car les Pasteurs sont proprement la tête, et les peuples qu'ils conduisent sont

(1) Patrol. tom, iv, S. Cypriani, Epist. 66, pag. 397.

comme les pieds; et afin que ceux-ci puissent marcher dans le bon chemin, il faut que ceux-là s'appliquent à les y conduire, de peur que venant à se courber vers la terre et à s'y attacher, les peuples cessent d'avancer dans le sentier de la vertu. Il y en a d'autres qui à la vérité ont soin de leurs peuples, mais qui souhaiteraient être toujours si fort appliqués à eux-mêmes, dans l'exercice des choses spirituelles, qu'ils ne voudraient se mêler d'aucune affaire extérieure. Cependant lorsqu'ils refusent ainsi de prendre soin de ces sortes de choses qui regardent le corps, ils ne vont pas assez au secours des besoins de ceux qu'ils conduisent; car il arrive qu'on méprise leurs instructions, et ceux dont ils reprennent les défauts ne les écoutent pas volontiers, voyant qu'ils sont indifférents à leur égard pour les nécessités de la vie présente; et il est assurément bien difficile, que la parole de celui qui instruit soit reçue avec docilité, par ceux qui sont dans le besoin, si en même temps sa main ne fait valoir ce qu'il dit, en les soulageant dans leurs misères. Jamais au contraire la semence de la parole ne germe plus facilement dans le cœur de celui qui l'écoute, que lorsqu'elle est arrosée par l'effusion de la charité de celui qui parle. Il faut donc qu'un Pasteur sache s'appliquer sans nuire à sa conscience aux choses extérieures, afin de pouvoir inspirer avec succès à ses peuples celles qui sont intérieures, et qu'il travaille tellement à leur avancement spirituel, qu'il donne une partie de ses soins à leurs nécessités temporelles; car comme j'ai déjà dit, il semble que le peuple ait quelque droit de se dégoûter de la parole de son Pasteur, lorsqu'il néglige le soin qu'il doit avoir de le secourir » (1). S. Isidore de Séville, indiquant selon les Pères les règles que les Ecclésiastiques devaient suivre pour vivre selon la sainteté de leur Etat, disait aussi qu'ils devaient s'abstenir des fonctions et des affaires séculières: Sæcularia officia negotiaque abjiciant (2).

Cette discipline fut sanctionnée par les Conciles; celui de Calcédoine défendit aux Ecclésiastiques et aux Moines, de prendre à ferme des terres ou de se charger des affaires temporelles, si ce n'est que

(1) Patrol. tom. LXXVII, S. Greg. Regul. Pastor. part. 2, cap. 7, pag. 38. (2) Patrol. tom. LXXXI, S. Isid. lib. 2, de Offic. eccles. cap. 2, pag. 778.

les lois les appellent à une tutelle, dont ils ne puissent s'excuser, ou que l'Evêque les charge du soin des affaires de l'Eglise ou des personnes misérables, comme des veuves et des orphelins (1). C'est pour le même motif qu'il fut interdit aux Ecclésiastiques de se rendre caution, sous peine de déposition, ainsi que nous le lisons dans les Canons apostoliques: Clericus fide jubens deponatur (2). Le Concile d'Orléans, de l'an 538, fait défense à tous les Ecclésiastiques de traduire personne devant les Juges laïques, et aux laïques d'y traduire les Clercs sans la permission de l'Evêque (3); celui de Latran, de l'an 1245, sous le Pape Innocent III, prohibe également d'exercer des fonctions et commerces séculiers: Officia vel commercia sæcularia non exerceant (4). Sous la dénomination d'affaires temporelles, interdites aux Ecclésiastiques, nous devons comprendre les foires, qui font présentement partie du négoce ou d'une curiosité profane. Autrefois elles étaient des Concours purement religieux; mais ces réunions dégénérèrent bientôt en occasion de trafic et de commerce: «Les foires, disait S. Basile, qui se tiennent dans les lieux où l'on honore les Martyrs, sont visiblement contraires aux personnes de notre profession. Car les chrétiens ne doivent paraître dans les chapelles des Martyrs ou dans les lieux d'alentour, que pour y offrir à Dieu leur prière... Et il ne sert à rien de dire, qu'il y a déjà longtemps qu'on a cessé de garder cette coutume si religieuse, observée autrefois par les Saints. Au lieu de prier les uns pour les autres, de prier en commun... ainsi que nous nous souvenons encore qu'il se faisait de notre temps, il ne nous reste plus de tout cela qu'un marché et une foire, un temps et un lieu destiné au commerce et au trafic. Mais il ne faut pas suivre le mauvais exemple de ceux qui en abusent de la sorte... » (5). On ne doit donc pas être étonné de voir le Concile de Carthage de 398, défendre de la manière la plus sévère aux Ecclésiastiques, d'aller aux foires et aux marchés, pour

(1) Concil. Labb. tom. iv, Conc. Calced. can. 3, pag. 756.

(2) Ibid. tom. 1, can. 19, pag. 30.

(3) Ibid. tom. v, can. 32, pag. 303.

(4) Ibid. tom. x1, Conc. Later. Iv, can. 16, pag. 169.

(5) S. Basil. tom. it, Regul. fusiùs tract. Interr. 40, pag. 386, Edit. Paris,

y acheter quelque chose, et porter la peine de dégradation de l'Office contre celui qui transgresserait ce Canon: Ab Officio suo degradetur (1). Le Synode de Nimes de l'an 1284 défendit aussi aux Ecclésiastiques d'exercer des fonctions ou des commerces séculiers, officia seu commercia sæcularia (2); comme aussi de fréquenter les foires et marchés, mercata seu nundinas. Le Concile de Trente renouvela cette discipline. Les Conciles postérieurs en ont fait de même; celui de Rouen, de 1581, ordonne que les Curés, Curati, et autres Prêtres ne se chargent pas du maniement des affaires séculières, sous peine des censures Ecclésiastiques (3); celui de Reims, de 1583, défend la même chose, et entre même dans le détail de ces affaires séculières et profanes (4); celui de Bordeaux, de 1583, tient le même langage, et énumère les occupations prohibées pour tous les Ecclésiastiques dans les Ordres sacrés, sous peine d'excommunication (5); celui de Tours de la même année les interdit également sous peine de déposition (6); enfin, ceux de Bourges, d'Aix, d'Avignon et de Narbonne, tenus les années suivantes, promulguèrent la même discipline. Les défenses qui précèdent se trouvent aussi dans les Synodes diocésains (7).

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(7) C'est en particulier la discipline du diocèse de Nimes. Dans le Synode de cette ville, tenu en 1627, inhibition est faite aux Ecclésiastiques de faire trafic de marchandises, ou de s'adonner aux négoces séculiers, sous peine d'excommunication; Hist. de Nimes, par Ménard, tom. v, preuv. pag. 295, Ed. Paris 1754. Dans celui de 1670: « Nous défendons, est-il dit, sous la même peine de suspension, de faire aucun commerce sordide, comme d'être fermier on prendre part à quelque arrentement, si ce n'est ceux de leurs propres dimes ou domaines; d'acheter blé, vin, huile ou autre chose pour les revendre plus chèrement; de prêter à usure, et de prendre aucune tutelle ou autre charge séculière, particulière ou publique, si ce n'est pour quelque cause de piété, et après en avoir obtenu la permission de Nous, ou de notre Vicaire-Général. » Syn. 1, part. stat. 5. Le Synode de Nimes de 1835 a renouvelé ces défenses.

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