Les manœuvres ou intelligences condamnées par l'article 77 pouvant se produire de toute espèce de manières, c'est aux jurés, aux juges, qu'il appartiendra d'apprécier les actes incriminés. Il suffit que les manœuvres ou intelligences tendent à l'un ou à l'autre, soit des actes, soit des buts précisés dans l'article 77. Il y a lieu de rapprocher la disposition finale de l'article 77 de celle de l'article 25 de la loi du 29 juillet 1881 qui punit les provocations à la désobéissance, adressées aux militaires. a) Fait de faciliter l'entrée de l'ennemi sur le territoire. Du rapprochement des articles 76, 78 avec notre article, il résulte que c'est par des actes matériels que doit se manifester le fait de faciliter l'entrée des ennemis. Il faut ici un commencement d'exécution (1). b) Fait de livrer à l'ennemi des villes, forteresses, places, ports, magasins, arsenaux, vaisseaux ou bâtiments. Cette catégorie de faits n'a pas besoin de commentaires (2). c) Fait de fournir à l'ennemi des secours en hommes et soldats, argent, vivres, armes, ou munitions (3). - Les secours ainsi fournis constituent le crime de haute trahison, sans qu'il y ait à distinguer s'ils sont donnés, soit pour entrer sur le territoire, soit pour attaquer les forces françaises, en pays étranger (4). La loi ne distingue pas si les soldats fournis sont français ou étrangers (5). d) Fait de seconder les progrès de l'ennemi. Le texte parle de seconder ces progrès, soit en ébranlant la fidélité des officiers, soldats, matelots, ou autres envers le gouvernement de la République ou l'État (6), soit de toute autre manière. (1) Chauveau, F. Hélie et Villey, t. II, no 426. (2) Mêmes auteurs, no 428. (3) Les enrólements d'individus, que prévoit l'article 77 n'ont rien de commun avec l'embauchage qui consiste à chercher à faire passer à l'ennemi, des individus servant déjà sous les drapeaux. V. n° 227. (4) Chauveau, Hélie, Villey, no 429. Tous les envois d'argent ou de vivres, quelle qu'en soit l'importance, tombent sous l'application de notre article. C., 5 juin 1872. Toutefois les vivres donnés par un sentiment de pitié ou d'humanité, à des soldats ennemis pressés par la faim, ne sauraient donner matière à répression. Il n'y a pas alors conspiration. Le fait de passer avec l'ennemi un marché de fournitures de vivres ne peut pas rentrer dans les machinations ou intelligences dont parle l'article 77. Mais un tel marché est puni par le décret du gouvernement de la Défense nationale, du 19 novembre 1870. (5) C., 5 juin 1812. (6) Il y a là un mode particulier d'aggravation des provocations diverses adressées aux militaires, V. article 25 de la loi du 29 juillet 1881 et la propagande anarchiste. V. no 286. Les manœuvres qui tendent à ramener à l'ennemi des prisonniers de guerre retenus sur parole, rentrent dans les vues de notre article (1). Machinations ou manœuvres dirigées contre les alliés de la France. ARTICLE 79. Les peines exprimées aux articles 16 et 17 seront les mêmes, soit que les machinations ou manœuvres énoncées en ces articles aient été commises envers la France, soit qu'elles l'aient été envers les alliés de la France, agissant contre l'ennemi com mun. 423.- L'alliance doit être publiée, notoire. La bonne harmonie, l'intelligence ne doivent pas être confondues avec l'alliance, laquelle résulte seule d'une convention formelle (2). Par le terme « agissant contre l'ennemi commun », l'article 79 entend une guerre déclarée. C'est donc par erreur que cet article renvoie à l'article 76 lequel, comme nous l'avons dit, prévoit le cas où la guerre n'étant pas déclarée, elle est provoquée par des conspirateurs (3). Si la correspondance avec les sujets d'une puissance ennemie, sans avoir pour objet l'un des crimes énoncés en l'article précédent, a néanmoins eu pour résultat de fournir aux ennemis des instructions nuisibles à la situation militaire ou politique de la France ou de ses alliés, ceux qui auront entretenu cette correspondance seront punis de la détention, sans préjudice de plus (1) C., 5 juin 1812. (2) Rauter, t. I, no 281. Blanche, t. II, no 434. (3) C., 28 novembre 1834. Chauveau, Hélie et Villey, t. II, no 432. forte peine, dans le cas où ces instructions auraient été la suite d'un concert constituant un fait d'espionnage. 424. Il résulte des observations de Cambacérès, au Conseil d'État (séance 12 octobre 1808), qu'il s'agit ici d'un crime spécial qui, sans constituer la trahison, peut la précéder, en fournissant à l'ennemi les moyens de préparer ses entreprises. Le concours de plusieurs circonstances est nécessaire pour le crime prévu par l'article 78. Il faut: 1o une correspondance entretenue avec les sujets d'une puissance ennemie. Donc la correspondance avec les sujets d'une puissance alliée à l'ennemi ou à plus forte raison simplement étrangère échappe à la pénalité de l'article 78, quelque préjudiciable qu'elle soit. Il est vrai qu'elle pourra quelquefois rentrer dans l'espionnage de la loi de 1886; 2° que la correspondance ait eu pour résultat de fournir aux ennemis des instructions nuisibles à la situation militaire ou politique de la France ou de ses alliés. Autant on conçoit ce qui peut être nuisible à la situation militaire de la France, autant il est difficile de définir ce qui peut être nuisible à la situation politique ; 3o Une intention criminelle. Tout ce qui sera une entrave, causera un préjudice, deviendra punissable. On voit combien tout ceci est vague et élastique. Il faut que la puissance avec laquelle on correspond soit en état de guerre déclarée. Quant aux alliés de la France, il n'y a pas à rechercher, s'ils sont ou non en action avec la France contre l'ennemi commun (1). Si les correspondances avaient pour but un des faits énoncés aux articles 76 et 77, elles rentreraient dans leurs dispositions. Par le terme quiconque » l'article 78 vise les étrangers résidant en France. (1) Chauveau, Hélie et Villey, t. II, p. 36. Garraud, t. II, no 329. Carnot, sur l'article 78. Contrà, Rauter, t. I, no 282. Blanche, t. II, no 430. EXAMEN DES DIVERS MOYENS DE TRAHISON ET D'ESPIONNAGE CHAPITRE CINQUIÈME RÉVÉLATION DES SECRETS D'ETAT. SOUSTRACTION DE PLANS DE FORTIFICATIONS, ETC. (ARTICLES 80 à 83 DU CODE PÉNAL); ESPIONNAGE (LOI DU 18 AVRIL 1886). Voici les textes : ARTICLE 80 DU CODE PÉNAL. « Sera puni des peines exprimées en l'article 76, tout fonctionnaire public, tout agent du Gouvernement, ou toute autre personne qui, chargée ou instruite officiellement, ou à raison de son état, du secret d'une négociation ou d'une expédition, l'aura livré aux agents d'une puissance étrangère ou de l'ennemi ». (( ARTICLE 81. Tout fonctionnaire public, tout agent, tout préposé du Gouvernement, chargé, à raison de ses fonctions, du dépôt des plans de fortifications, arsenaux, ports ou rades, qui aura livré ces plans ou l'un de ces plans à l'ennemi ou aux agents de l'ennemi, sera puni de mort (Déportation dans une enceinte fortifiée). « Il sera puni de la détention, s'il a livré ces plans aux agents d'une puissance étrangère neutre ou alliée (C. pén. 20, 23, 28 et s., 34, 49) ». ARTICLE 82. << Toute autre personne qui, étant parvenue, par corruption, fraude ou violence, à soustraire lesdits plans, les aura livrés ou à l'ennemi ou aux agents d'une puissance étrangère, sera punie comme le fonctionnaire ou agent mentionné dans l'article précédent, et selon les distinctions qui y sont établies. « Si lesdits plans se trouvaient, sans le préalable emploi de mauvaises voies, entre les mains de la personne qui les a livrés, la peine sera, au premier cas mentionné dans l'article 81, la déportation; Et au second cas du même article, un emprisonnement de deux à cinq ans ». ARTICLE 83. « Quiconque aura recélé ou fait recéler les espions ou les soldats ennemis, envoyés à la découverte, et qu'il aura connus pour tels sera condamné à la peine de mort (Déportation dans une enceinte fortifiée). Loi du 18 avril 1886, tendant à établir des pénalités ARTICLE 1er. Sera puni d'un emprisonnement de deux ans à cing ans et d'une amende de mille à cinq mille francs: 1o Tout fonctionnaire public, agent ou préposé du gouvernement qui aura livré ou communiqué à une personne non qualifiée, pour en prendre connaissance, ou qui aura divulgué en tout ou en partie les plans, écrits ou documents secrets intéressant la défense du territoire ou la sûreté extérieure de l'Etat, qui lui étaient confiés ou dont il avait connaissance à raison de ses fonc |