Ici, la loi ne recherche pas si le coupable était inscrit, ou non, sur le rôle d'équipage: il suffit qu'il fût, « à un titre quelconque », chargé de la conduite du navire. Ainsi, le capitaine, l'officier de quart, l'officier chargé d'une manœuvre spéciale, le timonier, le pilote côtier, sont tous également passibles de l'aggravation de peine du § 2. Bien plus : il n'est pas douteux, d'après les termes illimités de cette disposition, qu'une personne quelconque placée à la barre et chargée à ce titre de conduire le bâtiment, ne soit comprise dans l'incrimination du § 2 de l'art. 86. Altération volontaire, à l'aide de substances malfaisantes, des vivres de bord d'un navire marchand. Aux termes du § 8 de l'art. 60, l'altération de vivres ou marchandises, par le mélange de substances non malfaisantes, constitue un délit maritime passible de l'une des peines énoncées dans l'art. 55, au choix du juge; si ce délit est commis par le capitaine, l'art. 75 prononce une peine spéciale, ainsi que nous le verrons. Mais lorsque l'altération a eu lieu à l'aide de substances malfaisantes, la peine est la réclusion. L'art. 94 dispose en effet : «Sont punies de la même peine » (la réclusion) « toutes personnes embarquées, à quelque titre que ce soit, qui altèrent volontairement les vivres, boissons ou autres objets de consommation, par le mélange de substances malfai santes. >> Un tel acte, qui, dans des circonstances ordinaires, est déjà fort grave, devient éminemment dangereux lorsqu'il est commis à bord, dans des conditions où on n'a pas le choix des vivres, et où l'on ne peut consommer autre chose que ces provisions auxquelles le coupable aura mêlé des substances malfaisantes. La santé de l'équipage tout entier, des passagers, du capitaine, doit inévitablement en souffrir et le salut du navire est gravement compromis. Les termes de l'article, rapprochés de l'expression de « substances malfaisantes », montrent qu'il s'agit des vivres du bord. Il résulte aussi des mots « autres objets de consommation » que l'altération de grains, fourrages ou autres espèces de provisions destinées à la nourriture d'animaux vivants transportés à bord, tomberait sous le coup de cet article. Cette application est importante, parce qu'on transporte en mer non-seulement des animaux pour la consommation du bord, mais des cargaisons de chevaux, de mulets, de moutons, sans parler des animaux rares ou curieux qui constituent aussi l'objet d'un certain commerce. Enfin l'art. 94 punit ce crime sans distinction de la qualité du coupable: << toutes personnes embarquées». Altération volontaire, par un capitaine ou par un officier d'un navire marchand, des vivres de l'équipage, par le mélange de substances non malfaisantes. -L'altération des vivres ou marchandises à l'aide de substances non malfaisantes est punie par le § 8° de l'art. 60. Cet article ne distinguant pas, le capitaine et les officiers seraient compris dans son incrimination, et passibles de l'une des peines de l'art. 55. Mais le dernier paragraphe de l'art. 60 se termine par ces mots : « excepté dans les cas prévus par les articles suivants ». Or l'art. 75 du décret dispose: « Est puni de la même peine tout capitaine, maître, patron ou officier qui, hors le cas de force majeure, a volontairement 832 altéré les vivres, boissons et autres objets de consommation destinés aux passagers et à l'équipage, lorsqu'il n'y a pas eu mélange de substances malfaisantes. -Une amende de 16 à 300 francs pourra, en outre, être prononcée. » La peine rappelée au § 1o de cet article est celle de quinze jours à trois mois de prison, déterminée par l'art. 74. Si nous rapprochons les termes de l'art. 75 de ceux des art. 60, § 8°, et 94, nous trouvons dans le premier de ces textes une détermination qui manque dans les deux premiers. L'art. 75 incrimine le fait, de la part du capitaine ou d'un officier, d'altérer volontairement les vivres, boissons et autres objets de consommation « destinés aux passagers et à l'équipage » : d'où il suit que si les vivres, boissons et autres objets de consommation ne sont pas « destinés aux passagers et à l'équipage », il n'y a pas lieu d'appliquer l'art. 75. Le fait ne restera pas impuni pour cela : l'art. 94 ou l'art. 60, § 8°, dont les textes ne font pas acception de la qualité du coupable, seront appliqués au capitaine comme à « toutes personnes embarquées». Ce sera l'art. 94, si l'altération a été commise à l'aide de substances malfaisantes: ce sera le § 8 de l'art. 60, si les substances n'étaient pas malfaisantes. Résumons donc l'économie de ces diverses dispositions. Le décret incrimine dans tous les cas l'altération des vivres du bord. Si cette altération a eu lieu par le mélange de substances malfaisantes, « toutes personnes embarquées » sont passibles des peines de l'art. 94: le capitaine et l'officier aussi bien que les matelots et les passagers, et le fait est aussi bien punissable lorsque les substances sont destinées à la consommation des personnes que lorsqu'elles sont destinées à la nourriture des animaux. Si l'altération a été faite à l'aide de substances non malfaisantes, et qu'elle n'ait pas porté sur des substances destinées aux passagers et à l'équipage, l'art. 60, § 8°, est applicable sans distinguer suivant la qualité du coupable. Si l'altération a été faite à l'aide de substances non malfaisantes, mais qu'elle ait porté sur des substances destinées aux passagers et à l'équipage, alors il faut distinguer, au contraire. Si le coupable est le capitaine ou un officier, on appliquera l'art. 75; si le coupable n'est pas le capitaine ou un officier, c'est à l'art. 60, § 8o, qu'il faudra revenir, puisque cet article, ne faisant pas acception de la destination des substances altérées, régit aussi bien le cas où elles sont destinées aux passagers et à l'équipage que celui où elles ne leur sont pas destinées. Vol commis à bord d'un navire marchand. - Le décret de 1852 établit quatre incriminations distinctes en matière de vol. L'art. 60, § 9°, incrimine le détournement des vivres ou des liquides à l'usage du bord, et, sans tenir compte ni de la qualité du coupable ni de la valeur de l'objet volé, il punit le fait, à titre de délit maritime, de l'une des peines de l'art. 55. Dans le § 11° du même art. 60, le « vol commis par un officier marinier, un matelot, un novice ou un mousse, quand la valeur de l'objet n'excède pas 10 francs et qu'il n'y a pas eu effraction, est puni des mêmes peines de l'art. 55. » Cette disposition régit les vols, sans effraction, de tous objets d'une valeur de moins de 10 francs, autres que vivres ou liquides à l'usage du bord. Mais elle n'est applicable qu'aux officiers mariniers, marins, novices ou mousses; elle ne l'est ni au capitaine, ni aux employés du bord, ni aux passagers. Si la valeur de l'objet volé excède 10 francs, ou si le vol a été commis à l'aide d'effraction, les officiers mariniers, marins, novices ou mousses auteurs du vol sont punis, aux termes du § 2 de l'art. 93, de la réclusion. Lorsque le vol a été commis par le capitaine, le subrécargue, le chirurgien, un employé du bord, un passager, quelle que soit la valeur de l'objet volé, la peine est la réclusion, aux termes du § 1or du même art. 93. Ce texte dit simplement « les vols », et ne fait aucune mention des circonstances aggravantes; or, comme l'art. 93 et le § 9o de l'art. 60 sont les seules dispositions du décret touchant le vol, les incriminations du droit commun régissent les vols commis par ces personnes avec les circonstances aggravantes déterminées par le Code pénal; car l'art. 2, § 2 du décret laisse soumises aux lois ordinaires les infractions que le décret n'a pas spécialement incriminées. Il suit des observations ci-dessus que c'est seulement le vol simple, commis à bord par toute autre personne que les officiers, marins, novices et mousses, qui est passible de la réclusion, et que s'il vient s'y joindre une circonstance aggravante, le fait deviendra un crime de droit commun. Il résulte, de ces dispositions combinées, une conséquence singulière : c'est que le vol simple commis à bord par une des personnes de la qualité désignée au § 1or de l'art. 93 étant un crime maritime, et le décret de 1852 n'admettant pas, ainsi que nous l'avons vu, les circonstances atténuantes, ce bénéfice ne pourra être accordé par le jury à l'auteur d'un vol simple commis à bord, tandis qu'au contraire, si le vol commis à bord par une des personnes désignées à l'art. 93 a été commis avec une des circonstances aggravantes qui en fassent un crime de droit commun, la peine même des travaux forcés, s'il s'agit des circonstances prévues par les art. 381 à 385, pourra être abaissée, en vertu de l'art. 463, jusqu'à l'emprisonnement; et, s'il s'agit d'un des vols passibles de la réclusion, d'après l'art. 386, la peine pourra être abaissée jusqu'à un an d'emprisonnement. Le capitaine, l'officier, le subrécargue, le passager qui commet un vol simple à bord d'un navire, est donc dans une position moins favorable que s'il avait commis le vol avec l'une des circonstances aggravantes déterminées par l'art. 386; bien plus : coupable d'un des vols qualifiés que le Code pénal punit des travaux forcés, il peut espérer, grâce aux circonstances atténuantes, voir abaisser sa peine jusqu'à deux années d'emprisonnement, tandis que, s'il a commis seulement un vol simple, la moindre peine qui puisse être prononcée contre lui, c'est celle de cinq années de réclusion. Toutes les observations qui précèdent sont applicables également au vol commis par les officiers mariniers, marins, novices et mousses, quand la valeur de l'objet volé excède 10 francs, puisque dans ce cas la peine applicable est la réclusion. Mais s'ils ont commis le vol à l'aide d'effraction, il se produit un résultat tout opposé: au lieu d'encourir la peine des travaux forcés portée par l'art. 384 du Code pénal, ce qui arriverait s'il n'y avait pas une disposition spéciale, ils n'en courent que la peine de la réclusion, parce que l'art. 93 du décret de 1852 incrimine spécialement et punit ainsi ce genre de vol. Ainsi, pour les gens de l'équipage, l'effraction jointe au vol fait qu'ils sont moins sévèrement punis que si ce crime était laissé à la juridiction de droit commun. Il y a enfin une observation très-importante à faire en matière de vols commis à bord c'est que l'incrimination du § 9° de l'art. 60 attire à elle tout vol, commis sans circonstances aggravantes, de vivres ou de liquides à l'usage du bord; que cette incrimination ne fait aucune acception ni de la qualité du coupable ni de la valeur de l'objet volé: de sorte que si le « détournement », pour employer le terme même écrit dans le texte, a été commis sur des vivres ou des liquides à l'usage du bord, quelle que soit la personne qui l'a commis, quelle que soit la valeur de l'objet détourné, c'est toujours une des peines de l'art. 55 qui est applicable. En présence, d'ailleurs, des expressions : « vivres ou liquides à l'usage du bord », l'incrimination de l'art. 60, § 8°, régit non-seulement le détournement des provisions de bouche destinées à l'équipage, mais aussi le détournement soit des substances alimentaires destinées aux animaux vivant à bord, soit même des liquides servant à un autre usage qu'à la boisson, comme, par exemple, l'huile servant à l'éclairage ou à graisser les machines. Toutes ces substances sont incontestablement, les unes des vivres, les autres des liquides à l'usage du bord; il n'y a pas là une interprétation, mais un texte formel; et plus le décret nous a paru rigoureux dans l'application de son art. 93, plus c'est un devoir de ne rien perdre des ressources que le législateur a généreusement ménagées à l'indulgence du juge, avec l'intention manifeste d'assurer avant tout la répression, et de ne laisser à la faiblesse aucun prétexte pour acquitter les coupables. de Embarquement ou débarquement à bord d'un navire marchand, par des gens mer, à l'insu du capitaine, d'objets dont la saisie constitue l'armement en frais et dommages. L'art. 71 du décret dispose: « Les gens de mer qui, à l'insu du capitaine, maître ou patron, embarquent ou débarquent des objets dont la saisie constitue l'armement en frais et dommages, sont punis d'un mois à un an de prison, indépendamment de l'amende par eux encourue à raison de la saisie et sans préjudice de l'indemnité due à l'armement pour les frais que la saisie a pu lui occasionner. » Cet article, par la généralité des termes qu'il emploie, ne se borne pas seulement à réprimer la contrebande, mais atteint tous les faits d'embarquement ou de débarquement dont la saisie constitue l'armement en dommages. L'emploi au présent du verbe « constituer », rapproché de la seconde partie de l'article, montre qu'il faut que la saisie ait été effectuée; s'il avait voulu statuer autrement, le législateur aurait dit : « peut constituer » ou «< aurait constitué ». L'art. 71 n'est applicable qu'aux « gens de mer », ce qui comprend les officiers-mariniers, matelots, mousses, novices, le second et les officiers, mais non le subrecargue, ni le chirurgien, ni les employés du bord ne faisant pas partie de l'équipage, ni enfin les passagers. Remarquons qu'il s'agit ici de faits commis à l'insu du capitaine; car s'il en avait connaissance, il y aurait contre lui, et contre lui seul, ainsi que nous le ver rons, une peine portée par l'art. 77 du décret, indépendamment de l'application des lois de douanes. Contrebande faite ou autorisée par un capitaine de navire marchand. << Est puni de trois mois de prison tout capitaine, maître ou patron qui, en faisant ou autorisant la contrebande, donne lieu à une amende de moins de 1,000 fr. à la charge de l'armement. La peine de la prison sera de trois mois à un an, indépendamment de la suspension de commandement pendant deux ans au moins et trois ans au plus, sans préjudice de l'action civile réservée à l'armateur, si la contrebande donne lieu soit à la confiscation du navire ou de tout ou partie de la cargaison, soit à une amende de plus de 1,000 fr. » (art. 77). Ainsi, quand le capitaine fait la contrebande, il est punissable; quand il l'autorise, c'est lui seul qu'on punit, plus ou moins sévèrement, suivant que l'amende encourue est au-dessus ou au-dessous de 1,000 fr. Ici le texte ne demande pas d'interprétation, puisque, la peine étant graduée d'après l'amende prononcée, l'incrimination a pour élément constitutif le fait d'une condamnation pour contrebande. La loi ne parle que du capitaine, d'où il suit que les officiers ne sont pas punissables, au point de vue disciplinaire, bien entendu, s'ils font ou autorisent la contrebande. Ils ne le sont que dans les conditions de l'art. 71, en leur qualité de gens de mer », lorsqu'ils embarquent ou débarquent, à l'insu du capitaine, des objets dont la saisie constitue l'armement en frais et dommages. Au surplus les dispositions du décret de 1852, relatives à la contrebande soit par le capitaine, soit par les gens de mer embarqués à bord, sont des incriminations de discipline maritime, qui devaient trouver leur place dans ce code des devoirs de l'homme de mer, mais qui, ainsi que le décret s'en explique d'ailleurs formellement, sont sans préjudice des peines par eux encourues, à raison des mêmes faits, pour contravention aux lois de douanes. Nous rappelons que l'art, 34 de la loi du 27 mars 1817 dispose, contre tous les marins, sans distinction, faisant partie de l'équipage: « La contrebande faite sur les côtes maritimes, hors de l'enceinte des ports de commerce, sera punie des mêmes peines que celle faite sur les frontières de terre. En conséquence, tout versement opéré sur les côtes, ou dans les cales, anses et généralement tous endroits autres que ceux destinés au commerce, de marchandises prohibées ou d'objets tarifés à 20 fr. par 100 kilogrammes et audessus, donnera lieu, contre les maîtres, capitaines et matelots qui auront apporté la fraude par mer, ainsi que contre ses porteurs, agents et entrepreneurs sur le continent, aux poursuites et condamnations ordonnées par les articles 41, 42, 43, 44, 45, 46, et 47 du titre V, section des douanes, de la loi du 28 avril 1816». (V. cette loi, Durand et Paultre, III° partie, p. 213). Défaut, par le capitaine d'un navire marchand, de tenue du livre de bord. Aux termes de l'art. 83 du décret de 1852, « est puni d'une amende de 25 à 300 fr. tout capitaine, maître ou patron qui ne se conforme point aux mesures prescrites par les art. 224, 225 et 227 du Code de commerce ». Le premier de ces articles est relatif à la tenue du livre de bord; il est ainsi |