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344 G142 V14-5

AND OVEN-FAR.

PREFACE

La vie de Jésus-Christ que nous donnons au public, ne peut avoir de l'intérêt qu'aux yeux de la science. Elle n'est pas destinée à nourrir la piété, mais elle offre un appui à la foi; et, à ce point de vue, elle peut dans plusieurs esprits engendrer la piété.

Le christianisme forme une société vivante depuis la résurrection de Jésus-Christ. Sa doctrine est comme un temple immense qui peut recevoir et abriter toutes les âmes. Il a une solidité dans sa base et une harmonie dans la justesse de ses proportions qui supposent un divin fondateur. Toutefois les passions, toujours prêtes à rompre les digues qui les compriment, se sont mises à suspecter la solidité de l'édifice et à le saper par mille endroits, afin de s'échapper par la brèche. Mais c'est en vain qu'elles invoquent l'autorité de la raison, c'est la raison qui les condamne. C'est en vain qu'on dénature les faits et qu'on rend la critique partiale. Si ces manoeuvres frauduleuses peuvent tenir les esprits dans l'inquiétude jusqu'à plus ample informé, la conclusion finale de cette honteuse stratégie est toujours une défaite.

Nous disons une défaite, surtout aux yeux de la science historique et du bon sens. Il est vrai qu'il y a aujourd'hui une foule d'influence. diverses se combinant pour affaiblir la foi à l'Évangile, et douées pour cela d'une désolante aptitude; mais il ne faut pas croire que les ouvrages de Strauss et de ses fades disciples possèdent une très-grande puissance de séduction. Ils ont produit un triste effet, sans doute, mais on ne doit pas en exagérer la portée.

Il est nécessaire de remonter plus haut pour trouver la première cause du mal. Voici le problème tel qu'il se présente. Comment des

T. IV.

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hommes, paraissant sérieux, sont-ils descendus à ce point qu'ils puissent douter du christianisme, de son excellence, de sa solidité, de sa beauté et de ses heureuses conséquences dans la société ?

L'attaque dirigée contre Jésus-Christ en France, dans ces dernières années, a été repoussée avec une supériorité et un talent qui ne peuvent pas être contestés. Un grand nombre de bons esprits ont dit avec raison qu'il ne fallait pas tout ce déploiement de science contre une agression si faible et logiquement si mal dirigée. Il semblerait d'abord qu'on a épuisé les preuves de l'authenticité des Évangiles et des autres livres du Nouveau Testament. Nous espérons qu'après la lecture de cette nouvelle histoire de Jésus, on pensera autrement.

Les preuves que nous avons réunies ici, n'étaient pas de nature à prendre une grande place dans la défense spontanée et rapide des auteurs dont nous venons de parler. On a saisi à la hâte les premières armes qui se sont trouvées sous la main pour repousser un attentat audacieux et imprévu. Et cependant quelle force et quelle solidité dans cette défense!

Mais voici une démonstration d'un genre tout nouveau qui arrive du côté le plus inattendu. Supposons un instant que le texte des Évangiles et les Actes des apôtres qui en sont là continuation, soient perdus, ou qu'on ne puisse s'en servir pour faire l'histoire de Jésus-Christ et de l'établissement du christianisme, nous retrouvons cette histoire tout entière dans les monuments les plus dignes de foi, puisque le plus grand nombre nous est fourni par la main de nos adversaires. Qui pourra suspecter une telle provenance? Ce sont les Juifs, les hérétiques, les païens ; c'est l'archéologie, ce sont des monuments les plus étrangers les uns aux autres qui se présentent pour venir tous ensemble témoigner des œuvres merveilleuses du Fils de Dieu, nous raconter sa naissance, ses miracles, sa mort prodigieuse, sa résurrection, la vie de ses apôtres et la diffusion de sa doctrine.

Nous n'avons pas besoin de prévenir que ce n'est pas ici qu'il faut chercher le brillant de la forme et le charme du style. Ceux-mêmes qui ont ces talents à leur disposition, seraient obligés de s'effacer derrière les monuments, car ces monuments ont leur physionomie propre qu'il faut respecter, et on doit les présenter tels qu'ils sont. Les monuments écrits surtout ont les tons les plus disparates. Les Évangiles apocryphes ont de la simplicité et de la naïveté, et souvent beaucoup trop de crédulité; mais la vérité s'en dégage néanmoins très-bien. Les traditions juives déversent l'injure et quelquefois le mensonge, mais ce caractère hostile donne un grand prix à des aveux considérables; il en est de même des critiques païennes et des fausses interprétations

des hérétiques qui, dans leurs concessions involontaires, établissent et consolident beaucoup plus qu'ils n'attaquent. On verra qu'à dix-huit siècles de distance ils remplissent, en face du christianisme, un rôle diamétralement opposé à celui qu'ils s'étaient attribués. Jésus-Christ les force à lui rendre hommage.

Si la simple et impartiale exposition de ces écrits et de ces diverses attaques présente d'abord quelque chose de pénible et de fatigant, c'est un sacrifice que nous supplions le lecteur de faire en faveur de la vérité. Il en sera, nous le pensons, abondamment dédommagé par des conclusions d'une grande puissance. Le géomètre ne regrette pas le chemin obscuret laborieux qui l'a conduit à une importante démonstration. Il faut maintenant dire quelque chose des matériaux que nous avons mis en œuvre et de l'ordre dans lequel nous les avons placés.. L'historien de Jésus-Christ doit être guidé par ces paroles de saint Paul Christus heri, hodie, et ij se in sæcula. Comme Verbe, il coexiste éternellement avec le Père; comme Réparateur et Messie, il est contemporain de l'humanité depuis la chute première. C'est par lui exclusivement que les justes de tous temps sont sauvés.

Jésus-Christ a donc préexisté dans la promesse formelle que Dieu en avait faite au commencement, et l'histoire profane déjà nous l'a dit assez clairement. Elle va nous le dire de nouveau dans des monuments plus rapprochés du temps du Christ. Ainsi, il est certain que le règne du Réparateur est éternel selon le sens de Paul, et il existe dans l'esprit des prophètes et dans l'attente de tous les peuples.

Après ces considérations, nous avons jugé à propos, avant d'aborder directement la vie de Jésus-Christ par les témoignages pris en-dehors des Évangiles, d'établir un tableau synoptique des événements profanes contemporains des faits évangéliques et qui ont eu quelques rapports avec eux, de la succession des personnages politiques, des fonctionnaires qui ont eu plus ou moins de relations avec la Judée, des chefs de la synagogue, et des souverains-pontifes. Nous avons établi quelques synchronismes bien prouvés, afin qu'on ait ainsi une époque et des lieux bien dessinés et bien circonscrits pour y recevoir les faits que nous avons à enregistrer. Nous terminons ce travail préparatoire par une dissertation chronologique sur l'année vraie de la naissance de Jésus-Christ.

Quelle est maintenant la nature des documents dont nous composons notre histoire? Puisque nous nous interdisons toute citation tirée de l'Évangile et du Nouveau Testament, existe-t-il des documents assez abondants pour la contexture de cette histoire d'un nouveau genre? Oui, il y en a de nombreux et d'excellente nature; il est impossible même

d'en imaginer de plus indépendants, de plus significatifs, de plus invincibles dans l'effet qu'ils produisent. Il y a plus : ce n'est pas seulement une seule histoire que nous présentons, ce sont six histoires de provenance différente, dont les lignes sont tracées par des témoins d'esprit, de positions divers hostiles, ou tout au moins étrangers les uns aux autres.

On aura:

1. Une histoire de Jésus-Christ par les productions apocryphes qui seront mises en présence et comparées ensemble.

Voici notre raisonnement critique dans sa simplicité sur la collection de ces documents. Aucun d'eux n'a une grande valeur historique par lui-même, mais tous ensemble acquièrent une force irrésistible pour le but que nous nous proposons. Ils sont tous d'accord pour la contexture des principaux faits de la vie de Jésus-Christ; et là où ils sont en désaccord, ou plutôt là où leur témoignage reste isolé pour certains faits excentriques ou inconnus aux Évangiles, nous n'avons pas besoin d'eux. Comme ce sont des documents très-variés, dont plusieurs étaient sans doute, selon les meilleurs appréciateurs, des mémoires de famille, rappelant ce qui intéressait la vie du Sauveur, cette comparaison donne pour résultat un très-grand nombre de faits identiques, et nous avons le droit de nous en emparer pour en tirer une conclusion affirmative sur des faits de la vie de Jésus-Christ. L'âge auquel remontent ces pièces, comme on le verra en son lieu, leur donne un poids considérable;

2. Une histoire de Jésus-Christ par les Évangiles des hérétiques du premier et du second siècle, dont on verra la reproduction dans ce qui a échappé au temps.

La plupart de ces hérétiques s'éloignent de l'Église dans leur doctrine sur des points plus ou moins nombreux; mais en les examinant de plus près, dans ce que saint Jérôme, saint Épiphane et les autres Pères nous en ont dit, on constate qu'ils altèrent fort peu les faits extérieurs de la vie de Jésus-Christ. Ce n'est pas de ce côté que s'est portée leur main criminelle; au contraire, nous avons trouvé dans cette comparaison l'ensemble des événements de la vie de Jésus et à peu près toutes les merveilles reproduites avec plus de vérité qu'on ne pouvait s'y attendre. Ici encore nous n'avons admis que le témoignage des hérétiques des deux premiers siècles, et nous avons découvert un fait de la plus haute importance pour la véracité des Évangiles: c'est que les Évangiles des hérétiques sont d'autant plus conformes aux Évangiles canoniques et s'en éloignent d'autant moins que leur origine est plus rapprochée de l'époque où Jésus-Christ a vécu. Les Évangiles hérétiques

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