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DU

MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

A M. P. FAUGÈRE.

Paris, le 29 juin 1844.

Monsieur,

Vous m'avez fait connaître que vous prépariez une nouvelle édition des Pensées de Pascal, qui comprendra, avec le texte complet et fidèle du manuscrit autographe conservé à la Bibliothèque du roi, des fragments et des lettres extraits de différents manuscrits. Vous m'avez demandé en même temps de faire usage en votre faveur de la faculté attribuée, par le décret du 20 février 1809, au ministre dans le département duquel sont placées les bibliothèques de l'Etat et des villes.

Prenant en considération l'importance du travail auquel vous vous êtes livré, et, attendu qu'aux termes du décret précité, « les manuscrits appartenant à un dépôt public sont «la propriété de l'Etat, et ne peuvent être imprimés et publiés sans autorisation, » je vous ai autorisé, monsieur, à publier les textes de Pascal, ou concernant Pascal, qui se trouvent dans les manuscrits ci-après de la Bibliothèque royale: 1° MS autographe des Pensées; 2o MS no 74 du fonds de St-Germain-Gèvres; 5° MS n° 597 du Supplément français; 4o Portefeuilles du médecin Vallant. ( Résidu de StGermain.)

J'ai fait connaître à M. le directeur de la Bibliothèque royale l'autorisation que je vous ai accordée.

Recevez, monsieur, l'assurance de ma considération trèsdistinguée.

Le Pair de France,

Ministre de l'instruction publique,

VILLEMAIN.

INTRODUCTION.

On savait depuis longtemps, dans le public lettré, que le texte imprimé des Pensées de Pascal n'était pas entièrement conforme aux manuscrits posthumes de ce grand homme. Mais ce fait n'avait été que très-vaguement indiqué ' et ce n'est que dans ces derniers temps qu'il a été exposé avec le développement nécessaire, et a reçu la notoriété qui lui manquait.

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Un brillant critique a comparé les éditions des

'Notamment dans les Annales de philosophie chrétienne, en 1835: Les solitaires de Port-Royal conviennent que le plan de leur édition n'a rien de commun avec celui de l'auteur..... Et ce n'est pas l'unique défaut de l'édition princeps des Pensées. Les amis de Pascal en avaient supprimé un assez grand nombre. « Bien plus, malgré le témoignage qu'ils se rendent de n'avoir rien ⚫ changé à celles qu'ils publient, les manuscrits attestent que les < premiers éditeurs en ont modifié quelques-unes. La hardiesse, la « témérité apparente de plusieurs de ces pensées pouvait servir des < passions encore flagrantes. Le 20 novembre 1668, Arnauld écri<< vait au beau-frère de Pascal: Il ne faut pas être si difficile, ni si religieux à laisser un ouvrage comme il est sorti de la main de « l'auteur, quand on le veut exposer à la censure publique, etc. » (Annales de philosophie chrétienne, t. XI, p. 7. Article de M. Th. Foisset.)

Pensées avec les manuscrits conservés à la Bibliothèque du roi, et ce rapprochement a fait ressortir les différences qui se rencontrent perpétuellement entre le texte imprimé et le texte original '.

Les citations nombreuses que renferme le Mémoire de M. Cousin établissent, avec une surabondance de preuves, la nécessité d'une nouvelle édition des Pensées ou, pour mieux dire, des écrits posthumes de Pascal.

C'est cette édition que nous donnons aujourd'hui. La publication en était urgente; car si le travail de M. Cousin a rendu un important service aux lettres, par cela seul qu'il a appelé l'attention publique sur la réparation due à la mémoire de celui de nos écrivains classiques qui est le premier en date comme en génie; d'un autre côté, il avait, sans le remplacer, fait disparaître de nos bibliothèques un des plus beaux ouvrages de notre langue. Comme l'a dit un savant professeur de Lausanne, nous n'avions plus le livre des Pensées; il était dans nos bibliothèques sans y être. En effet, les éditions existantes étaient frappées de discrédit, et le lecteur, dans l'embarras de distinguer le langage de Pascal de

'Des Pensées de Pascal: Rapport à l'Académie française sur la nécessité d'une nouvelle édition de cet ouvrage, par M. V. Cousin. Paris, 1843.

M. Vinet, dans le Semeur du 22 février 1845.

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