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PRÉFACE

DE LA

COMPAGNIE DES PASTEURS

DE GENÈVE

L'un des pieux héritages que le seizième siècle a laissés à l'Église de Genève, c'est le mandat qui appelle ses chefs spirituels à veiller continuellement au perfectionnement de la version des Saintes Écritures. Cette intention de nos illustres devanciers a toujours été respectée par le corps ecclésiastique chargé d'en assurer l'exécution. C'est à cette tradition de révision permanente que notre Église doit une série de versions et d'éditions des livres sacrés dont la nomenclature forme un chapitre important de son histoire.

Nous ne répéterons pas ici ce que renferment sur ce sujet les préfaces instructives publiées en 1805 et en 1835. Chacun sait que la première de ces dates a donné son nom à la plus récente des versions complètes de la Bible imprimées à Genève. La seconde rappelle à la fois le dernier Jubilé de notre Réformation et l'achèvement de la traduction du Nouveau Testament, actuellement en usage dans nos chaires.

Depuis cette époque, le travail d'amélioration confié par la Compagnie des pasteurs et professeurs en théologie à deux commissions spéciales s'est ressenti de circonstances très-diverses qui lui donnaient forcément un caractère d'intermittence. En même temps, des scrupules de méthode conduisaient

les traducteurs à éprouver quelques doutes sur les avantages du mode de collaboration traditionnellement conservé.

Dirigée par le désir de remplir fidèlement un mandat séculaire, mais sentant de plus en plus la haute convenance d'une œuvre homogène, la Compagnie reconnut, il y a quelques années, la nécessité de modifier notablement le programme des travaux qui lui incombaient comme gardienne d'un dépôt sacré. Elle jugea que le meilleur moyen de répondre aux exigences de la situation, c'était d'encourager de son appui une œuvre individuelle, placée sous son contrôle officieux, et soumise ultérieurement à son approbation. C'est dans ces conditions, heureusement réalisées, et sur le préavis favorable de ses commissaires, qu'elle offre aux fidèles de notre Église, la version du Nouveau Testament due aux soins de M. le pasteur et professeur Oltramare, et qu'elle peut leur annoncer comme prochaine la publication parallèle d'une version de l'Ancien Testament par M. le Dr Segond.

Nous n'avons à parler ici à nos lecteurs que du travail qu'ils ont en ce moment entre leurs mains. Nous le ferons dans le seul but de leur faciliter l'emploi d'un texte présentant quelques particularités nouvelles, et de prévenir des appréciations erronées.

Comparée avec les versions adoptées pour notre culte, et avec d'autres versions qui ont cours dans nos paroisses, la traduction de M. Oltramare présente, dans un assez grand nombre de passages, des divergences réelles d'interprétation. Ce fait surprendra peu les chrétiens qui savent que les sciences bibliques ne peuvent être stationnaires: il sera loin, surtout, d'affliger ceux qui se souviennent des principes proclamés par la Réformation. Le protestantisme n'a jamais attribué à un traducteur quelconque le don d'infaillibilité: l'Église de Genève, en particulier, par sa tradition de révision permanente, a constamment rappelé que toute version est nécessairement une euvre humaine et perfectible. M. Oltramare, tout en profitant des travaux des traducteurs qui l'ont précédé, ainsi que de ceux

des commentateurs, s'est fait un devoir de conserver son indépendance dans la recherche du sens véritable. En retour de cette liberté, condition nécessaire de sa fidélité comme interprète, il assume la responsabilité de toutes les hardiesses apparentes auxquelles il aurait pu être conduit par le désir de traduire.

exactement.

M. Oltramare a tenu compte des habitudes du lecteur et de cet instinct respectable qui porte bien des fidèles à désirer que toute version de la Bible se conforme autant que possible au style des versions antérieures. Il n'a pas pensé toutefois qu'il fût bon de s'asservir à un principe de condescendance, dont l'abus finirait par être préjudiciable à l'édification ellemême. Il a cherché le mot propre, et l'a préféré sans hésitation au synonyme convenu, lorsque la clarté ou l'entière vérité l'exigeait. Il en résultera pour quelques lecteurs certaines surprises, peu nombreuses d'ailleurs, et se rapportant surtout à des fragments d'épîtres, rarement traduits jusqu'à ce jour avec toute la netteté désirable.

A côté de ces divergences tenant à l'interprétation, il en est d'autres sur lesquelles quelques explications plus étendues que ne peut l'être cet avertissement seraient sans doute fort opportunes. Ces divergences ont en effet pour origine l'application loyale d'un principe de rigueur scientifique, avec lequel les anciens traducteurs n'étaient pas suffisamment familiarisés, et dont il ne nous semble plus permis de faire abstraction, même dans une version destinée à l'édification populaire.

M. Oltramare a cherché à donner pour base à son travail ce qu'il y a de plus sûr en fait de texte grec. En conséquence, il ne s'est pas conformé au texte publié précipitamment en 1516 par les soins d'Erasme, d'après des manuscrits ne remontant qu'au quinzième et au treizième siècle, revu plus tard par Théodore de Bèze, reproduit par Robert Étienne et popularisé par les éditions des Elzévirs, sous le titre imposant de texte reçu.- Répondant à un vœu de la Compagnie des pasteurs, le traducteur a mis à profit les résul

tats les plus positifs de la science; il a utilisé particulièrement les travaux récents du Dr Tischendorf sur les manuscrits du Nouveau Testament, sans suivre toutefois son guide d'une manière aveugle et servile. Ceux qui savent que l'autorité des plus anciens textes est le grand principe d'après lequel cet illustre critique se décide en cas de variantes, et que l'histoire des manuscrits les plus célèbres remonte jusqu'au quatrième siècle, ne verront pas une témérité novatrice dans la préférence habituelle que M. Oltramare donne à sa récension sur un texte arbitrairement adopté.

Bien des lecteurs ne s'apercevront pas immédiatement des conséquences de cette substitution consciencieuse. D'autres, en confrontant à cette occasion la version nouvelle avec celles qu'ils connaissent depuis longtemps, pourront constater un fait important pour la foi chrétienne et accepté jusqu'ici sur la seule parole des théologiens: ils verront par eux-mêmes que les divergences remarquées dans les manuscrits comparés sont peu de chose à côté de leurs admirables coïncidences. Ils reconnaîtront que les immuables vérités de l'Évangile et les promesses du Sauveur à son Église subsistent indépendamment des infirmités humaines et des accidents historiques qui ont empêché les anciennes copies de nos Saints Livres de concorder avec la précision de la stéréotypie: ils apprécieront les clartés inattendues que répand sur le style scripturaire le rétablissement de locutions et de tournures pleines de fraicheur et de vie. D'autre part, ils éprouveront peut-être des impressions opposées en remarquant la disparition, partielle ou totale, de quelques phrases.

Par respect pour les habitudes ou les scrupules des fidèles accoutumés à chercher leur édification dans les anciennes versions, l'on a eu soin de conserver le texte reçu, sous forme de notes au bas des pages, toutes les fois que la variante était sensible.

On a marqué d'un asterisque (*), les passages dans lesquels la divergence, bien que réelle, n'était pas assez forte pour né

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