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vous faites dire. Ce n'est pas ma volonté que vous cherchez, mais la vôtre; et vous n'êtes pas contents de moi que je ne vous ôte tout ce qui vous peine dans l'esprit et dans le corps. Sondez vos cœurs voyez vos œuvres, quelles elles sont : examinez-vous à fond; vous ne trouverez rien que de charnel dans vos pensées: Travaillez à une autre nourriture1. Remplissez-vous d'autres objets.

Mais, Seigneur, si ceux-ci étaient charnels, vos apôtres l'étaient encore beaucoup et néanmoins ils demeurent avec vous, pendant que ces murmurateurs se scandalisent et vous quittent. Vous me découvrez ici un terrible secret; car, dès que vous voyez naître l'esprit de murmure dans ces incrédules, vous leur dites: Ne murmurez point: personne ne peut venir à moi, si mon Père, qui m'a envoyé, ne le tire ; et lorsque vous les vîtes déterminés à vous quitter, vous répétâtes encore une fois

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de là, pour vous le donner. Seigneur, tirez-moi ; je vous livre tout.

XLIII JOUR.

Saint Pierre et les catholiques s'attachent à Jésus-Christ et à l'Eglise les Capharnaltes et les hérétiques s'en sóparent. Joan. vi, 53.

Seigneur, vous me jetez dans des vues profondes je perce dans les siècles à venir. Dans ceux qui demeurent avec Jésus-Christ, saint Pierre à leur tête, je vois tous les catholiques immuablement attachés à Jésus-Christ et à son Église; et, dans ceux qui quittent Jésus, je vois tous les hérétiques qui doivent quitter son Église. Dans saint Pierre et dans les apôtres, je vois tous ceux où la foi prévaut sur le sens humain, c'est-à-dire tous les fidèles; et dans ceux qui font bande à part et cessent de suivre Jésus, je vois tous ceux où le sens humain l'emporte sur la foi; c'est-à-dire, tous les incrédules qui abandonnent l'Église ; et surtout ceux qui l'abandonnent à l'occasion de ce mystère. Ils se perdent avec ceux qui disent: Comment cet homme nous peut-il donner sa chair à manger 1 1? et ils tournent la vérité en allégorie.

Ma chair est viande, mon sang est breuvage" : ils le sont vraiment : il les faut manger, il les faut boire; trois et quatre fois : c'est là une allégorie? Mais qui en vit jamais une si outrée? Il ne s'en trouve aucun exemple. Mais qui en vit jamais une si peu expliquée, si peu démêlée? Il y en a encore moins d'exemple en un mot, il n'y en a point; nous l'avons considéré, nous l'avons vu, et néanmoins ils s'obstinent à l'allégorie. Que le sens humain est opiniâtre à demeurer dans ses préjugés! C'est qu'ils ne peuvent sortir de cette première peine, qui a été celle des Capharnaïtes, comme elle est encore la leur: Comment cet homme nous peutil donner sa chair à manger? Ils y succombent; ils y périssent avec ces grossiers et superbes murmurateurs.

en a parmi vous qui ne croient point; et c'est pour cela que je vous disais : Personne ne vient à moi, qu'il ne lui soit donné par mon Père 3. Quand donc saint Pierre vous dit, et les autres fidèles avec lui: Seigneur, à qui irions-nous? Vous êtes le Christ, le Fils de Dieu 4, c'est que votre Père les avait tirés au dedans; c'est qu'il leur avait donné de venir à vous; et non-seulement d'y venir, mais encore d'y demeurer; c'est qu'ils étaient de ce bienheureux nombre dont il est écrit, comme vous-même vous le rapportez Ils seront tous enseignés de Dieu 5; de ce bienheureux tout, dont vous prononcez : Tout ce que mon père me donne vient à moi : c'est-à-dire tout ce qu'il tire de cette manière secrète, qui fait qu'on vient; tous ceux à qui il donne de venir: voilà ce tout bienheureux qui vous est donné par votre Père, tous ceux-là viennent à vous; et comme vous ajoutez: Vous ne les mettez point dehors : vous les admettez à votre intime secret, à vos intimes douceurs. Vous leur dites encore ici secrètement, comme vous fites autrefois à saint Pierre : Vous éles heureux, Simon fils de Jonas, parce que ce n'est pas la chair et le sang qui vous l'a révélé, mais mon Père qui est dans les cieux 7. Réjouissez-vous, peuple béni; réjouissez-vous, petit troupeau, parce qu'il a plu à votre Père de vous donner son royaume, de vous révéler son secret, de vous tirer à son Fils. Et les autres, qu'en faitesvous? ô Seigneur, je trémis en le lisant! vous les livrez à eux-mêmes par un juste jugement: ils se Eh quoi, qu'y a-t-il que nous n'écoutions pas ? cherchent eux-mêmes, et vous les livrez à eux-Jésus-Christ a dit : Que sera-ce, si vous me voyez mêmes, à leur orgueil, à leur sens charnel, à leur murmure, à leur scandale: et ils y demeurent volontairement ils demeurent dans leur mauvais choix auquel vous les avez abandonnés par un jugement caché, mais toujours juste. C'est pour cela, dites-vous, que je vous ai dit que personne ne peut venir à moi, s'il ne lui est donné par mon Père 9 personne ne peut sortir de lui-même, de ses sens, de son orgueil, que votre Père ne le tire

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Et cependant, à les écouter, c'est nous qui sommes ces Capharnaites: c'est à votre humble troupeau, c'est aux petits de votre Église, qui écoutent en simplicité votre parole, qu'ils reprochent d'être les grossiers, d'être les charnels et de ne pas écouter votre parole.

remonter au ciel3? Et il a montré par là que sa chair ne serait point démembrée, mise en pièces, consumée : croyons-nous qu'elle le soit? Ne croyons-nous pas que Jésus-Christ est monté au ciel, et qu'il y vit tout entier ? Nous le croyons, mon Sauveur; toute la terre le sait. Si nous croyons avec cela que nous vous mangeons, et que ce qu'il vous plaît nous donner à recevoir dans nos corps, est votre corps et votre sang; si nous le croyons ainsi, c'est pour ne pas dire avec les murmurateurs Comment cet homme nous peut-il donner sa

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chair à manger? Qui sont donc ceux qui le disent, puisque visiblement ce n'est pas nous? Qui sont ceux qui le disent, sinon ceux qui ne peuvent se résoudre à croire qu'on puisse manger la chair de Jésus-Christ sans la consumer, la mettre en pièces; ni la manger véritablement en sa propre substance sur la terre, sans la tirer du ciel?

Jésus-Christ a dit : C'est l'Esprit qui vivifie 1 : est-ce nous qui le nions? Ne croyons-nous pas que sa chair est toute pleine de l'esprit qui vivifie? S'il a été conçu en chair, il y a été conçu du Saint-Esprit: nous le croyons. Le Saint-Esprit est survenu en Marie: nous le croyons. S'il a été offert en la même chair avec laquelle il a été conçu, c'est par l'Esprit saint qu'il s'est offert 3; ou comme porte l'original, c'est par l'Esprit éternel : nous le croyons. Tout ce que Jésus-Christ accomplit en chair, s'accomplit en même temps en esprit. Ce n'est pas précisément de la chair, c'est encore principalement de l'esprit qui lui est uni, que vient la vie nous le croyons. Nous ne disons pas avec les Capharnaïtes que Jésus soit le Fils de Joseph, ni simplement le Fils de l'homme; nous disons que le Fils de l'homme, qui est conçu de Marie, est en même temps le Fils de Dieu, et doit, comme lui dit l'ange, être appelé véritablement et proprement de ce nom. Nous croyons de même que ce Fils de l'homme, qui a expiré en la croix, n'est pas seulement le Fils de l'homme; et nous disons avec le centenier : C'était vraiment le Fils de Dieu 4. Et quand on mange sa chair et qu'on boit son sang, nous croyons qu'il le faut faire en corps et en esprit tout ensemble, et que c'est l'Esprit qui vivifie.

Il a dit: La chair ne sert de rien5: nous le croyons et nous remarquons premièrement, car nous pesons avec foi toutes ses paroles, nous remarquons, dis-je, qu'il ne dit pas : Ma chair ne sert de rien car ce ne serait pas interpréter, comme vous le prétendez, mais détruire son premier discours, où il a dit tant de fois que sa chair nous servait à avoir la vie. S'il dit donc, que la chair ne sert de rien, c'est la chair comme l'entendaient les Capharnaïtes, la chair du fils de Joseph : et encore la chair tellement mangée avec la bouche du corps, qu'elle soit mise en pièces et consumée, en sorte qu'elle ne puisse rester pour être transportée au ciel: car c'est ainsi que l'entendirent ces murmurateurs. Nous ne l'entendons point de cette sorte : et quand enfin il faudrait entendre que la chair de JésusChrist, quoique prise, quoique mangée avec la bouche du corps, de cette manière admirable que les incrédules ne peuvent entendre, ne sert de rien ; nous le croyons encore de cette sorte: car en mangeant cette chair nous savons qu'il la faut manger comme une victime qui a été immolée, et se souvenir de lui en la mangeant, s'attendrir dans ce souvenir, se rendre avec lui une hostie sainte, participer à son esprit comme à son corps, en un mot, lui être uni

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de corps et d'esprit comme le fut la sainte Vierge, lorsqu'elle le conçut dans ses entrailles : autrement cette chair ne sert de rien, quoiqu'on la mange, quoiqu'on la reçoive dans son corps. Jésus-Christ ne dit pas aussi qu'on ne la mange point, qu'on ne l'a point en substance; mais qu'elle ne sert de rien: comme saint Paul ne dit pas qu'on n'a point le corps du Sauveur quand on le reçoit indignement; mais qu'on ne le discerne pas. Il faut donc, non-seulement le recevoir par le corps, mais le discerner par l'esprit; autrement, loin de servir, il nous condamne, et nous sommes rendus coupables du corps et du sang du Seigneur. La chair ne sert donc de rien, de quelque façon qu'on l'entende elle ne sert de rien toute seule, ni par ellemême : ce n'est point à elle qu'il faut s'arrêter. Et si l'on veut encore entendre par cette parole, la chair ne sert de rien, c'est-à-dire le sens charnel ne sert de rien nous le croyons encore; car ce n'est point la chair ni ie sang qui nous a révélé3 ce que nous croyons, ni cette manière incompréhensible avec laquelle nous croyons manger la chair du Sauveur. Ainsi tout ce qu'il a dit de sa chair mangée et de son sang bu, encore qu'il le faille entendre au pied de la lettre, de sa chair et de son sang pris en leur propre substance, est esprit et vie, à cause qu'en toute manière il y faut toujours joindre l'esprit : nous le croyons : et pour bien entendre toutes les paroles du Sauveur, nous ne croyons pas que les dernières, où il a parlé de l'esprit, excluent les autres où il a parlé de la chair; mais nous apprennent à unir l'un et l'autre ensemble, et à chercher l'esprit dans la vérité et dans la propriété de la chair.

Où est donc la foi des catholiques? Elle est dans les paroles de saint Pierre : Seigneur, à qui irionsnous; vous avez des paroles de vie éternelle ? Nous les croyons toutes; et celles où vous inculquez avec tant de force qu'on mangera en substance votre chair; et celles où vous enseignez avec la même netteté, qu'il faut profiter de votre esprit. Voilà quelle est notre foi : voilà ce que nous croyons. Et où est la foi de ceux qui quittent l'Église? sinon dans ces paroles des Capharnaïtes: Comment cet homme nous peut-il donner sa chair à manger? Nous la donner pour la consumer, c'est chose absurde et inhumaine; nous la donner sans la consumer, et en sorte qu'en même temps elle demeure entière dans le ciel, c'est chose impossible.

Seigneur, nous ne sommes point de cette troupe : on ne peut nous attribuer en aucun sens ce Comment des murmurateurs. Nous nous rallions avec saint Pierre, nous retournons au cénacle pour y faire la cène avec vous et avec vos disciples. Quelle simplicité! quel silence! Prenez, mangez, c'est mon corps : Buvez, c'est mon sang. Il ne dit pas: Ils seront en vous par la foi; mais ce que je vous présente, Cela l'est. Croyez-y, n'y croyez pas; cela est: cela est, parce que je le dis, et non pas parce que

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vous le croyez. Que cela est étonnant! Et néanmoins Jésus le dit sans rien expliquer; les apôtres l'écoutent sans rien demander: ces questionneurs perpétuels, s'il m'est permis une fois de les appeler ainsi, se taisent: ils font ce qu'on leur dit, non-seulement sans contradiction et sans murmure, mais encore sans avoir besoin d'autre instruction que de celle qu'ils avaient reçue. Les murmures avaient été trop repoussés, les questions trop précisément résolues; tout est calme, tout est soumis : le Père les a tirés. Et les autres? Ah! fidèles, retirez-vous de leur compagnie : séparez-vous de ces séditieux, de ces impies qui murmurent, non pas contre Moïse', mais contre Jésus-Christ même : séparez-vous-en, pour n'être point enveloppés dans leur péché. Quoi! que leur va-t-il arriver? La terre se va-t-elle ouvrir sous leurs pieds, pour les engloutir tout vivants? Non; c'est quelque chose de pis: ils quittent l'Église; ils sont livrés à leur propre sens.

XLIV JOUR.

Communion indigne. I. Cor. x1, 27, 29.

sance'. Les Juifs donc outragèrent ce corps en luimême, et en sa propre substance, lorsqu'ils le mirent en croix; ils outragèrent ce sang en lui-même et en sa propre substance, lorsqu'ils le firent couler sur la terre par ur infâme supplice, comme si c'eût été le sang d'un coupable. Vous faites un semblable sacrilege, lorsque vous mangez et buvez indignement ce corps et ce sang; vous les profanez, vous les outragez en eux-mêmes; et cet outrage que vous faites au corps du Sauveur est de ne le pas discerner, de n'en pas connaître la sainteté ni le prix. Il ne dit pas qu'ils ne le reçoivent point faute de foi, comme le disent nos hérétiques; mais qu'ils ne le discernent pas, en supposant qu'ils le reçoivent : comme on dirait d'une pierre précieuse que vous jetteriez dans la boue comme une autre pierre, après l'avoir reçue, non pas que vous ne l'avez point reçue, mais que vous n'en avez pas fait le discernement et l'estime qu'il fallait.

Ce n'est pas non plus ce que disent encore ces hérétiques : Vous êtes coupable de ce corps et de ce sang, comme on est coupable envers la personne du prince, lorsqu'on en déchire injurieusement le tableau. Car il n'est point ici parlé de tableau ni de figure l'apôtre fait aller de même rang : Ceci est mon corps: Coupable du corps : et, ne pas discerner le corps. Il ne faut point diminuer le crime de ceux contre qui l'apôtre s'élève, ni affaiblir l'hor

Et ceux qui, sans quitter l'Église, conservant la vraie foi du corps et du sang de Jésus-Christ, les recoivent indignement, sont-ils tirés par le Père céleste? les a-t-il donnés à Jésus-Christ? et viennent-ils à lui comme il faut? Non sans doute; puis-reur qu'on en doit avoir. Il est vrai qu'en traitant que, bien éloignés de recevoir la vie, saint Paul dit, qu'ils boivent et mangent leur condamnation, parce qu'ils ne discernent pas le corps du Seigneur.

Le saint apôtre parle ici d'une manière terrible, puisqu'après avoir rappelé dans la mémoire des fidèles que Jésus-Christ avait dit que ce qu'il donnait à manger était son corps, le même qui devait être percé et rompu à la croix; et que la coupe qu'il leur donnait à boire, était, par le sang versé qu'elle contenait, l'instrument de l'alliance et du testament que le Sauveur faisait à leur avantage; il en conclut que ceux qui mangent ce pain, remarquez ce pain, c'est-à-dire ce pain fait corps, ainsi qu'il vient de le raconter; et boivent la coupe du Seigneur indignement, sont coupables de son corps et de son sang 3. Et qu'est-ce qu'en être coupable? si ce n'est non-seulement les profaner, mais encore leur faire un outrage de même nature que celui qui leur avait été fait par les Juifs, lorsqu'ils déchirè rent l'un, et répandirent l'autre. Et c'est pourquoi ils boivent et mangent leur condamnation; parce que, semblables à ces perfides, ils n'avaient mis aucune différence entre le corps de Jésus-Christ et celui des voleurs qu'ils avaient crucifiés avec lui. Et remarquez que l'outrage que les Juifs avaient fait à Jésus-Christ, regardait précisément son corps; car ce n'est qu'au corps qu'on peut nuire, en le livrant à la mort; conformément à cette parole : Ne craignez pas ceux qui ne peuvent que tuer le corps, et ne peuvent pas étendre plus loin leur puis

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indignement l'image du prince, on l'attaque, on le déshonore lui-même; mais par une injure bien inférieure à celle qu'on lui ferait en attentant sur sa personne sacrée. L'attentat des chrétiens, quí mangent indignement le corps du Sauveur et boivent indignement son sang, est de ce dernier genre ; c'est un attentat fait immédiatement sur la personne en un mot, il y a deux choses à considérer dans le supplice de Jésus-Christ; le crime des Juifs et l'obéissance du Sauveur. Ceux qui reçoivent dignement son corps et son sang, participent au mérite de son obéissance; ceux qui les reçoivent indignement, participent au sacrilége de ses meurtriers et attentent comme eux immédiatement sur sa personne adorable.

Seigneur, tirez-nous à vous, inspirez-nous un juste discernement du corps que nous recevons : ne le traitons pas comme une chose immonde, en le recevant dans un corps impur et souillé. Les choses saintes sont pour les saints, comme on criait autrefois au peuple fidèle, lorsqu'on allait distribuer le corps de Jésus-Christ. Ne le touchons pas avec des mains sacriléges, ne le recevons pas avec une bouche impure, ne lui donnons pas un baiser de Judas, un baiser de traftre; que ce soit un baiser d'épouse, un baiser rempli d'ardeur, et qui soit le gage d'un chaste et perpétuel amour. Qu'il me baise du baiser de sa bouche, d'un baiser d'époux : que je lui donne aussi le baiser d'épouse; celui que lui donnent les vierges, des âmes chastes dont il est aimé. Tirez-nous, Seigneur, à ce chaste et

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DOSSUET

T. II.

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Boire la coupe des démons, ce n'est pas seulement boire dans la coupe dont on leur fait une effusion c'est boire à longs traits les plaisirs du monde, par lesquels on se livre à eux. Participer à la table des démons, ce n'est pas seulement manger des viandes qui leur ont été immolées : c'est se livrer à l'avarice, qui est une idolâtrie; à la gourmandise, par laquelle on fait un dieu de son ventre; à tous les autres vices, par lesquels on livre aux démons ce qui était dû à Dieu.

Mais un des péchés que l'eucharistie souffre le moins, c'est celui de la dissension et de la haine contre son frère; car le propre effet de l'eucharistie, c'est de nous unir pour ne faire qu'un même corps, selon ce que dit saint Paul : Quoique nous soyons plusieurs, nous ne sommes tous ensemble qu'un même pain et un même corps, nous tous qui participons à un même pain 4. Qui conque donc prend ce pain de vie; qui prend ce corps, qui nous est donné sous la forme et sous l'espèce du pain, pour sustenter notre âme, qui étant distribué à plusieurs, demeure toujours le même et parfaitement le même, ne souffrant aucune division en sa substance; doit être un avec tous les membres, comme il doit être un avec JésusChrist. Et c'est l'impression que porte en soi le pain sacré de l'eucharistie. Celui-là donc qui la reçoit ayant la haine dans le cœur contre son frère, fait violence au corps du Sauveur : puisqu'il vient pour nous faire un même corps, et que nous demeurons dans la division.

Mais qu'arrivera-t-il à ceux qui demeurent ainsi divisés, pendant que le corps de Jésus-Christ les vient unir? Ce divin corps ne peut demeurer sans efficace ceux qui ne veulent pas se laisser unir, il les brise, il les met en pièces, il les divise contre eux-mêmes; leur propre conscience les condamne : il les arrache de son unité, il les sépare de son corps mystique. S'ils y demeurent à l'extérieur, ils en sont séparés selon l'esprit : ce sont des membres pourris; des arbres infructueux, doublement morts, déra

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cinés, comme disait l'apôtre saint Jude1. Ils semblent être encore sur pied et se tenir sur leur racine; mais ils ont la mort dans le sein, et leur racine ne tire plus de nourriture.

Allez donc, et comme le Sauveur vous l'a ordonné lui-même, allez vous reconcilier avec votre frère2; non-seulement vous n'êtes pas digne de participer à l'autel, mais encore vous n'êtes pas digne d'y offrir votre présent; non-seulement vous n'êtes pas digne de participer à l'oblation de l'autel, mais vous n'êtes pas digne d'y assister. Le sang de JésusChrist, qu'on lève au ciel, crie vengeance contre vous, parce que c'est un sang qui a pacifié et réconcilié toutes choses dans le ciel et dans la terre 3: et non-seulement les hommes avec Dieu, mais encore les hommes entre eux. Et vous n'écoutez pas la voix de ce sang qui parle mieux que celui d'Abel4. Car il parle pour la paix, et le sang d'Abel criait vengeance; mais vous le contraignez à crier vengeance, si vous rejetez la paix fraternelle pour laquelle il est répandu. Ce sang crie au meurtre, à la vengeance; vous êtes le meurtrier contre qui il crie: car celui qui hait son frère est homicides. Retirez-vous, malheureux, fuyez la voix de ce sang. XLVI JOUR.

La communion est la préparation à la mort de Jésus-Christ. I. Cor. XI, 26.

Toutes les fois que vous mangerez ce pain de vie et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. Vous l'annoncerez comme une chose déjà accomplie pour le salut du genre humain : vous l'annoncerez comme une chose qui se doit continuer en quelque façon jusqu'à la fin des siècles. La mort de Jésus-Christ est toujours présente dans l'eucharistie, par la séparation mystique de son corps et de son sang : l'impression de la mort de Jésus-Christ se doit faire sur tous les fidèles qui, à l'imitation du Fils de Dieu, se doivent rendre eux-mêmes des victimes. Toute la vertu de la croix est dans ce mystère; on y annonce par tous ces moyens la mort du Sauveur.

élevé de terre, je tirerai tout à moi7. L'effet a suivi Quelle est la vertu de la croix? Quand je serai la parole: tout est venu à Jésus crucifié : telle est la pertu de sa croix. Cette vertu est toute vivante dans l'eucharistie ceux-là y croient, ceux-là en profitent, et la reçoivent dignement, que le Père tire à son Fils. Jésus-Christ dit qu'ils vivent pour lui, comme lui-même il vit par son père et pour son Père; ils n'ont d'autre vie que la sienne. Sa chair cette vie; tout est esprit, tout est vie dans ce mystère; est toute pleine de l'esprit qui nous communique toute l'efficace de la croix pour nous tirer à Jésus, mée. Quelle violence souffre le Sauveur, quand on pour nous faire vivre en lui et de lui, y est renferpas posséder à lui; quand on résiste à la force avec ne répond pas à son amour; quand on ne se laisse

1 Jud. Ep. 12. - Matth. V, 23, 24.-3 Col. 1, 20. • Heb, XII, 24. - I. Joan. I, 15. I. Cor. XI, 28.

7 Joan. XII, 32.

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laquelle il nous tire! Si on lui refuse son cœur pen-premièrement, s'il n'est point indigne de cette table dant que non-seulement il le demande, mais qu'il sacrée; s'il ne vient point au banquet de l'Époux fait, pour ainsi parler, de si grands efforts pour se sans la robe nuptiale, sans être en état de grâce: l'unir; c'est un époux méprisé qui entre en fureur car on lui dirait: Ami infidèle, ami téméraire, comcontre son épouse insensible; il n'y a plus pour elle ment avez-vous osé entrer ici sans avoir l'habit que la damnation et la mort. Hélas! hélas! tout est nuptial? Et non-seulement il sera jugé indigne du perdu; de toute la force dont il nous tirait, il nous banquet, mais encore on le jettera pieds et mains repousse et nous détruit. liés dans le séjour des ténèbres, où il y aura pleurs et grincement de dents'.

XLVII JOUR.

La persévérance, effet de la communion. Joan. VI, 57. Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. Le grand don après lequel soupirent les chrétiens, est celui de la persévérance, qui nous assure la couronne, qui nous unit, qui nous incorpore à Jésus-Christ, pour nous faire éternellement un avec lui, sans jamais en pouvoir être séparés. Voilà le grand don de Dieu; celui qui est joint à sa prédestination éternelle et JésusChrist nous apprend qu'il y a dans l'eucharistie une grâce particulière pour nous l'obtenir. Si donc nous voulons persévérer dans la vertu, il faut communier et communier souvent; car c'est le plus puissant moyen qui nous soit donné, pour obtenir la persévérance: c'est le pain des chrétiens, leur nourriture ordinaire et de tous les jours. O mon Dieu, que les chrétiens ont le cœur dur, puisqu'ils viennent si rarement à la sainte table! Sils goûtaient Jésus-Christ crucifié, ils viendraient célébrer souvent le mystère de cette mort. On est touché le Vendredi saint, à cause qu'on y célèbre la mémoire de la mort du Sauveur. Venez, mes enfants, c'est tous les jours le Vendredi saint; tous les jours on érige le Calvaire sur le saint autel. Venez, et souvenez-vous de cette mort qui est notre vie; venez recevoir un sacrement où l'on apprend à demeurer en JésusChrist, où l'on reçoit la force, le courage, la grâce d'y demeurer.

Le maitre entra dans la salle du festin pour y voir les conviés, et il y vit un homme qui n'avait point l'habit nuptial. Représentez-vous Jésus qui vient lui-même examiner ceux qui sont à sa table. Pour éviter un si terrible examen, que chacun s'examine soi-même, que chacun s'éprouve soi-même.

Mais il y a encore d'autres épreuves plus délicates. Le pain de l'eucharistie est appelé par les saints, le pain des forts: et il y faut user, en le donnant, du même discernement dont use un sage médecin, en donnant le solide à son malade; c'est-à-dire qu'il faut songer non-seulement au refus absolu qu'on en doit faire durant la fièvre, mais encore au ménagement avec lequel il le faut donner aux convalescents.

Outre l'épreuve qu'il faut faire de cette viande céleste, pour n'y pas manger sa condamnation; il y a encore une épreuve, une préparation nécessaire pour la manger avec profit. Cette viande ne nous est pas seulement donnée pour entretenir la vie; mais encore pour nous rendre l'embonpoint. Elle renouvelle, elle engraisse, elle veut détruire de plus en plus jusqu'aux moindres restes du mal. Cette viande ne se digère pas; mais c'est elle, pour ainsi parler, qui nous digère et nous change en elle-même. Il faut considérer le progrès que nous faisons en la mangeant, et la prendre avec réserve, jusqu'à tant que nous soyons rendus propres à recevoir tout son effet. Sinon elle nous surcharge: et si nous n'avons pas la mort dans le sein, il s'amasse des humeurs qui doivent nous faire craindre une rechute. Il faut donc craindre le fréquent usage de l'eucharistie, si on n'en vient à cet embonpoint spirituel et à un état de force. Il est vrai que c'est en la recevant que nous devenons propres à la recevoir : c'est ellemême qui par sa vertu nous rend propres à ellemême et à ses effets; mais il en faut savoir tempérer l'usage. La marque la plus assurée dans les bonnes âmes pour la recevoir souvent, c'est l'appétit spirituel qu'elles en ressentent; mais il faut savoir ménager cet appétit. Il y a des appétits de malade : il y en a que la santé donne. L'appétit est donc équivoque; et il faut le savoir connaître : il faut savoir le réprimer, il faut savoir le réveiller; il faut quelquefois exciter l'ardeur par quelque délai, pour aussi augmenter le goût. Telle âme aura besoin qu'on le lui excite par quelque temps de lecture et par la seule méditation de la parole divine. Goû ter la parole de Jésus-Christ, c'est la marque qu'on le goûte lui-même, et la meilleure préparation à le Que l'homme s'éprouve lui-même 4 : qu'il éprouve goûter. Qui est le sage qui engendra et qui

Mais aussi on doit trembler, quand on retombe dans ses fautes après la communion; puisque JésusChrist ne dit pas : Celui qui mange ma chair, est en moi3; mais il y demeure attaché : ni Je suis en lui; mais J'y demeure, et je ne le quitte jamais. Jé sus est fidèle; il ne nous quitte jamais le premier. Il vient bien à nous le premier; mais jamais il n'est le premier qui quitte : c'est nous qui le quittons, quand nous tombons dans le péché. Malheureux! nous devons bien craindre de ne l'avoir pas reçu comme il faut, car nous serions demeurés en lui; et, hélas! nous l'avons quitté. Le recevoir comme il faut, c'est le recevoir en détestant ses péchés, en éloignant les occasions de le commettre; en cherchant dans l'eucharistie le soutien de notre faiblesse et de notre instabilité.

XLVIII JOUR.

S'éprouver soi-même. I. Cor. x1, 28.

1 Joan. VI, 57. — Ibid. 24, 27.3 Ibid. 57.4 1. Cor. XI, 28.

Matth. XXII, 12. 13.

2 Ibid. 14.

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