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SOMMAIRE DES CHAPITRES

CONTENUS DANS LE PREMIER Volume.

PREMIERE PARTIE. SOURCES LITTÉRAIRES ET CRITIQUES.

I. De la tradition du christianisme de Sénèque, accueillie et remise en honneur par les critiques modernes.

II. Insinuations des Pères de l'Eglise antérieurs à saint Jérôme sur les tendances orthodoxes de la philosophie de Sénèque. III. De certains passages de saint Augustin et de saint Jérôme, confirmant implicitement la tradition qui range Sénèque parmi les premiers chrétiens. Sénèque cité dans les décisions des conciles. Enumération historique de divers personnages connus sous le nom de Sénèque. Discussion d'un passage de l'Apologétique de Tertullien.

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IV. Sénèque chrétien dans ses écrits. Morale, images et pensées empruntées au Nouveau-Testament.

V. Suite de la morale chrétienne de Sénèque : du précepte Sequeré Deum. Parenté entre Dieu et les hommes. Traces de l'Oraison dominicale. La vertu persécutée en ce monde. Mortification de la chair. Eloge de la chasteté.

VI. Suite de la morale chrétienne de Sénèque. Amour plus que stoïque de la pauvreté et de la vertu pratiques. Usage et communication de la science. De la charité. Humilité, mansuétude et abnégation dans le dévouement. VII. Il faut aimer ses ennemis. Du pardon des injures, etc. Sénèque cité par l'auteur de l'Imitation. Rapport entre ce livre et le philosophe sur les avantages de la retraite. VIII. De la fraternité et de l'égalité entre les hommes. L'idée de l'abolition de l'esclavage en germe dans Sénèque. Humanité envers les esclaves.

IX. Suite de la morale chrétienne de Sénèque. Pensées diverses. Vanité des choses d'ici-bas. De la mort. Aspirations vers un monde meilleur.

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TOME Ier.

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n'avons pas attaché une bien grande valeur, puisqu'elle n'est que la contre-épreuve de celle de saint Jérôme, elle se ressent naturellement du crédit que nous reconnaissons à celle-ci; mais il devient peu raisonnable par là même de chercher, comme Kaewitz, un motif d'infirmer sa déclaration, dans la barbarie du temps où vivait l'auteur.

A ces autorités, on a opposé Lactance et Tertullien qui, en se faisant les admirateurs des belles et divines pensées de notre sage, n'en persistent pas moins à le tenir pour païen. Que déduire de là, si ce n'est que la tradition connue de saint Jérôme et de saint Augustin n'était pas parvenue à la connaissance de Tertullien et de Lactance? Mais elle n'est nullement ébranlée par le fait de leur ignorance sur ce point.

A part les trois témoignages antiques qui constatent la liaison de Sénèque avec saint Paul, les autres preuves sur lesquelles s'édifie cette tradition n'ont pas, il faut le dire, considérées isolément, une force suffisamment concluante en faveur du fait dont il s'agit. Toutefois, groupées ensemble, elles se fortifient l'une par l'autre, et acquièrent un degré de probabilité qui ressemble à l'évidence, une fois qu'on les rapproche des trois témoignages en question qu'elles viennent à leur tour corroborer. Cette réflexion s'applique à la salutation de l'épître aux Philippiens, qui toute seule, nous le reconnaissons avec Estius, Heinsius et Horn, ne saurait signifier raisonnablement que notre philosophe fût un des chrétiens du palais impérial, auxquels il est fait allusion dans cette salutation. Mais l'allusion, de vague qu'elle était, tend à se préciser, par ce que nous apprennent saint Lin, saint Jérôme et saint Augustin, et il est désormais pour nous plus que possible, comme l'a ingénieusement fait ressortir, après d'autres, l'abbé Greppo, que Sénèque ait été l'un des frères de la maison de César, désignés par l'Apôtre, ou du moins l'un de ceux qu'il croyait

pouvoir appeler ainsi par anticipation, à cause de leur avidité à s'instruire des doctrines divines. Sholl cependant, renouvelant pour son propre compte la déclaration d'incrédulité professée par Horn et autres, repousse la pensée d'une insinuation personnelle à Sénèque dans le verset de l'épître aux Philippiens. «L'expression, frères de la maison de César, désigne tout aussi bien, dit-il, les esclaves du prince, que ses parents ou ses ministres, et l'on sait que pendant longtemps l'Evangile trouva surtout des adhérents parmi la classe la plus malheureuse de la société. » Mais cette observation, qui ne fait qu'étendre le cercle des personnes auxquelles pouvait se rapporter le salut de l'épître aux Philippiens, ne détruit point par conséquent l'attribution qu'on en a faite aux grands officiers du palais, et notamment à l'ancien précepteur de l'empereur, que l'Apôtre devait être particulièrement fier de compter parmi les fidèles.

Ici arrive l'objection d'Erasme et de Lamothe-Levayer, qui n'admettent point que, dans ce cas, Néron soit resté dans l'ignorance des préoccupations religieuses de son ministre, et qu'il n'ait pas trouvé là plus tard un grief pour l'englober dans la persécution des chrétiens, lorsqu'il cherchait un moyen plausible de se défaire d'un censeur incommode. Cette ignorance est pourtant toute simple en étudiant le caractère de Sénèque, nous y rencontrerons, quoi qu'en disent Modius et Levayer, moins de franchise que de faiblesse, faiblesse méticuleuse dans ses actes, sinon dans ses écrits; même quand on le suppose uniquement poussé par sa curiosité de philosophe à s'initier aux vérités de l'Evangile, il avait dû le faire avec toutes les précautions voulues pour que cette initiation fût tenue secrète et ne lui fît pas de tort dans l'esprit du prince. A plus forte raison, s'il eût été néophyte sincère, son organisation voulait-elle que, dans ses nouvelles croyances, il conservât un fonds de respect hu

main qui non-seulement l'aurait empêché de les afficher, mais lui aurait imposé une extrême réserve à l'endroit des pratiques et des manifestations extérieures. Erasme et Modius soutiennent alors qu'il n'était pas un bon et un franc néophyte, et ils ont raison. Mais nous n'entendons pas faire de notre sage un saint hi un martyr. Ce qui nous paraît résulter des faits connus, c'est qu'il avait étudié la religion du Christ. Quant au profit qu'il en aura tiré pour l'autre vie, c'est une question qui demeure réservée et qui n'est plus de notre sujet.

L'explication du christianisme de Sénèque, concilié avec les apparences païennes qu'il aurait pris à tâche de conserver, ne nous appartient pas exclusivement. Elle avait cours en Italie au commencement du quinzième siècle. Nous en avons pour témoin le docte prince de Ferrare, Leonello, déjà cité, qui rapporte le singulier commentaire auquel avaient donné lieu les mots aliud agentibus, dans cette phrase de la première lettre à Lucilius sur la perte du temps: Magna pars vitæ elabitur malè agentibus, maxima nihil agentibus, tota aliud agentibus. « La majeure partie de la vie se passe à malfaire, une plus grande encore à ne rien faire, la totalité à faire autre chose que ce qu'il faudrait. »> « Par ces paroles « à faire autre chose », aliud agentibus, dit l'illustre savant, quelques interprètes, adoptant une signification fort contournée, veulent que Sénèque ait eu en vue les rites du paganisme, qu'il accusait ses compatriotes de préférer, soit par ignorance, soit par dédain, à la religion chrétienne. Ces interprètes admettent, par conséquent, que lui-même il était chrétien; que seulement, à raison des supplices dont Néron poursuivait la nouvelle secte, le philosophe n'avait pas osé manifester sa croyance, mais qu'il s'y était dévoué en secret après avoir reçu les instructions de saint Paul. Cette erreur est la conséquence de la considération dont on a sottement envi

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