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NOTICES BIOGRAPHIQUES.

PLINE LE JEUNE,

NÉ A COME, L'AN 61 DE J.-C. MORT L'AN 115.

nom de Pline le jeune ne se trouve mené ici à la tête des premiers monumens écrits histoire de l'Église chrétienne, que parce que dans sa lettre à l'empereur Trajan qu'on e pour la première fois, dans les écrivains une mention un peu détaillée de la situa'es chrétiens sur la fin du premier siècle. ettre fut, à ce qu'on pense, écrite vers l'an Jésus-Christ. Pline était alors gouverBithynie et de Pont. Son administration ne de Trajan qu'il y représentait lorsélevait des difficultés majeures, il en réfél'empereur, et un commerce affectueux

s'entretenait entre ces deux grands hommes. Les deux lettres relatives aux chrétiens, attestent la tolérance éclairée de l'un et de l'autre. Pline le jeune, neveu et fils adoptif de Pline le naturaliste, avait eu pour amis Quintilien, Suétone, Silius Italicus, Martial, Tacite, Helvidius, Virginius Rufus qui refusa l'empire, et enfin tout ce qu'il y avait alors d'illustre et d'éclairé à Rome. Il avait écrit l'histoire de son temps, des poésies et des plaidoyers qui sont perdus. Il ne nous reste de lui que son panégyrique de Trajan et ses lettres. Je me suis servi, pour les deux lettres que je rapporte, de la traduction qu'en a donnée Sacy.

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tus-Septimus-Florens Tertullianus naquit age, vers l'an 145 ou 150 de Jésus-Christ. Il encore enfant, son père qui était cenlans une légion du proconsul en Afritrouva dans sa mère un guide tendre é. Doué d'une imagination ardente, d'un icile, d'une grande puissance d'élocution,

: de bonne heure des succès comme avocat et professeur de rhétorique. On sait, par ses propres déclarations, qu'à cette époque il se laissa entrainer par la vivacité de son organisation africaine dans toutes les folles dissipations de la jeunesse; mais il fallait à cette imagination ardente ou une lutte dangereuse pour y déployer sa force, ou un joug de fer pour la comprimer. Ili trouva l'une et l'autre dans les idées chrétiennes.

On ne sait pas précisément à quelle époque Tertullien embrassa le christianisme. Il l'avait longtemps combattu et stigmatisé, et il en devint un des plus ardens apôtres. Ce qu'on peut conjecturer de ses ouvrages, c'est que le spectacle

de la constance déployée par les martyrs, agit fortement sur son imagination, et que, comme il arrive d'ordinaire aux cœurs généreux, la persécution le détermina à se placer dans les rangs des persécutés. On croit que ce fut vers l'an 185. Tertullien se maria l'année suivante à une femme chrétienne. Il ne pouvait rester longtemps confondu parmi les soldats vulgaires de la milice chrétienne; c'était au premier rang qu'il voulait combattre et braver tous les dangers. L'ordre de prêtrise lui fut conféré vers 192. Tertullien était alors marié, mais il n'y avait aucune constitution qui défendît aux ecclésiastiques de se marier, et encore moins de conférer les ordies aux hommes précédemment mariés. Tertullien, arraché aux désordres de la jeunesse, continua à vivre dans la régularité maritale avec sa femme. On a de lui deux livres qu'il lui adressa en forme de testament, et d'une date fort postérieure à sa conversion, et dans lesquels il l'engage1, au cas 'Livre 1, chap. 7.

où il mourrait le premier, à observer la continence et «à faire dans la viduité ce qu'il ne lui était pas possible de faire dans le mariage.» Ces paroles sont assez claires pour ne pas avoir besoin d'explication.

Tertullien ne put rester longtemps soumis à la marche régulière et méthodique de la société chrétienne, les émotions des persécutions avaient, comme on l'a vu, ouvert son cœur aux nouvelles croyances, et dans les intervalles des persécutions, son esprit impatient cherchait encore des dangers à braver, des perfections à atteindre, des sacrifices à faire, de la gloire à acquérir. Il lui semblait que les chrétiens mettaient trop de tiédeur dans leurs prières, dans leurs paroles, dans leurs privations, dans leurs martyres. La vie était pour lui une lutte dont une mort généreuse pouvait seule lui faire gagner le prix. Le clergé italien, moins ardent que le prêtre d'Afrique, l'engagea à plus de ménagemens envers des chrétiens créés si faibles. Il s'indigna. Ils s'emportèrent à leur tour contre lui et le blâmèrent de sa facilité à se jeter hors des voies reçues, pour suivre les traces de Montanus, qui courait risque de tout corrompre en exagérant tout, et dont l'austérité voulait prescrire aux hommes une perfection qui dépassait leurs forces. Tertullien, provoqué, poussa les choses à l'extrême et se sépara publiquement d'eux en adoptant le montanisme.

«Ce que l'on peut dire de plus probable sur ce changement, dit l'auteur d'une fort bonne dissertation critique sur Tertullien et ses ouvrages', c'est que comme la discipline de Montanus paraissait fort austère, que ses sectateurs affectaient une grande continence, qu'ils observaient de fréquens jeunes et des dévotions outrées, qu'ils multipliaient les prières, qu'ils élevaient le martyre jusqu'à soutenir qu'il n'était permis ni d'éviter la persécution par la fuite, ni de racheter la vie à prix d'argent, Tertullien, que son génie ardent et sévère poussait à porter toutes choses dans les excès, embrassa de lui-même une discipline qui s'accordait si bien avec son humeur. Il est vraisemblable, car on n'en peut rien dire de certain, que ce fut vers l'an 199 de Jésus-Christ.>>

Séparé de la principale Église chrétienne, il n'en montra que plus d'ardeur à défendre le christianisme et à prendre à partie chacune des sectes qui voulaient élever un drapeau indépendant. Lui-même les imita toutefois, en se séparant de ses nouveaux amis les montanistes, et en créant une secte plus exaltée encore, et dont on trouvait encore des traces en Afrique au temps de saint Augustin.

En tête d'une nouvelle édition de l'Apologétique, traduite par Giry Amsterdam, 1701, 1 vol. in-12.

Les derniers ouvrages de Tertullien sont de l'année 217 ou 218, et on place sa mort vers l'an 220.

On divise ses ouvrages en deux classes: ceux écrits avant sa séparation de l'Eglise romaine; ceux écrits après son adhésion au montanisme. Je les ai tous distribués dans la table ci-jointe, qui fera connattre l'époque présumée de leur composition, et le nom des divers traducteurs français. Son ouvrage le plus célèbre est l'Apologétique. J'ai réuni tous ceux de ses traités, au nombre de vingt-trois, qui m'ont paru propres à jeter du jour sur l'histoire de l'Église chrétienne. Plusieurs de ces traités n'avaient jamais été traduits en français. M. Collet a bien voulu se charger de cette traduction. Ce n'est qu'en publiant des traités complets que l'on peut donner une idée exacte de l'histoire des hommes et de leurs idées. La crainte de grossir trop démesurément ce volume, m'a seule empêché de donner le petit nombre d'autres traités qui restaient'. Les cinq livres contre Marcion sont la partie la plus volumineuse de ce qui n'est pas publié ici.J'ai donné seulement l'extrait qu'en a fait l'abbé de Gourcy. Voici une courte analyse du traité sur l'Ame:

Nous avons, dit Tertullien, disputé avec Ilermogène sur l'origine de l'âme, qu'il soutenait avoir été créée par une suggestion de la matière plutôt que par le souffle de Dieu, maintenant nous examinerons d'autres questions, et sur beaucoup, nous entrerons en lutte avec les philosophes. Socrate, même dans sa prison, s'occupa de l'état de l'âme, mais le temps et le lieu étaient mal choisis pour cet examen. L'âme du philosophe était consternée ou par les apprêts de la mort, les pleurs de sa femme, presque déjà veuve, les cris de ses jeunes enfans, déjà orphelins, ou par les efforts qu'elle faisait pour demeurer calme et immobile au milieu de ces violentes secousses. Que devait chercher d'ailleurs tout homme condamné injus tement, et à plus forte raison un philoosphe, cet être qui se repaît de gloire, qu'on ne peut consoler sans l'irriter, que devait-il chercher alors, si ce n'est du soulagement à l'injustice qui le frappait? Aussi Socrate, en présence de la mort, invoquant l'immortalité pour son áme, présume cette vérité pour braver la vengeance d'Anytus et de Mélitus. Mais il ne l'avait pas découverte. Qui en effet peut connaître Dieu sans connaître le Christ, le Christ sans connaître l'Esprit-Saint, et l'Esprit-Saint sans le sacrement de la foi? Socrate était livré à un autre esprit. Dès sa jeunesse, un démon, à ce qu'on dit, lui fut attaché c'est-à-dire un maître perfide dans ses leçons. Les chré tiens n'avaient pas encore démontré qu'une telle puissance était toujours mauvaise, qu'elle était l'artisan des erreurs des hommes, et l'ennemie de toute vérité. Cependant la pythie déclara Socrate le plus sage de tous les hommes. Combien alors doit être grande la sagesse de la religion chrétienne qui a renversé de son souffle

1 Il en reste neuf, on les trouvera indiqués dans le tatableau qui suit cette notice.

toute la puissance des démons! C'est cette sagesse qui repousse les dieux du ciel, ou, pour mieux dire, les dieux du siècle, qui s'avilirait en sacrifiant un coq à Esculape, qui n'établit pas un nouveau culte de démons, mais qui repousse l'ancien, qui ne corrompt point, mais affermit la jeunesse dans de bonnes mœurs, qui fait disparaître l'erreur, au nom de la vérité, non pas d'une seule ville, mais encore de tout l'univers, qui se dévoue, pour soutenir cette même vérité, à tous les tourmens et à tous les supplices; c'est cette sagesse et non celle des philosophes qui découvrira, en suivant les lois de Dieu, ce qu'on doit croire sur l'âme. Certes nul ne peut mieux que Dieu, qui l'a créée, en faire connaître la nature. Qui en effet révélera ce qu'il a formé? Comment pourra-t-on le savoir? Il est plus sûr d'ignorer, parce que Dieu n'a pas révélé, que de savoir parce que l'homme a présumé. Nous ne nions point cependant que les philosophes n'aient pu quelquefois trouver la vérité. Au milieu des tempêtes qui troublent le ciel et la mer, un port, par un heureux hasard, peut se montrer au pilote; et au sein des ténèbres, un aveugle bonheur découvrir une issue. Ainsi beaucoup de vérités nous sont suggérées par notre nature; mais quel fondement établir sur la philosophie? habile à construire et à détruire, et persuadant plus en disant qu'en instruisant, elle régente la nature, la plie à ses lois, et contredit celles que le Créateur lui a imposées. Bien plus, elle a puisé beaucoup de sa science dans les livres sacrés (car l'antiquité a cru que des dieux avaient écrit des livres), et ces livres sont apocryphes. Nous devons, à ce sujet, nous rappeler les faux prophètes et les esprits rebelles qui essayent par la ruse de leur génie de tromper les hommes; aussi faut-il n'accepter de leur enseignement que ce qui est conforme à la loi et aux prophètes. Enfin chez ces philosophes, on trouve plus de diversité que d'accord, et de grandes différences parmi les membres d'une même école. Toutefois ils émettent des vérités conformes à la Bible; et elles sont encore à redouter, parce qu'elles y sont au service de l'erreur. Tertullien annonce qu'il dégagera chez ces philosophes le vrai du faux, et combattra lorsque l'occasion se présentera les opinions erronées qu'il soutiennent. Les philosophes et les médecins ont beaucoup écrit sur l'âme; partout obscurité, disputes, incertitudes. Le chrétien n'a pas besoin de beaucoup connaitre à ce sujet, car les choses certaines sont toujours peu nombreuses, et il ne lui est pas permis de chercher plus qu'il ne peut trouver. L'apôtre défend les questions sans bornes. Il n'est permis de trouver que ce qui est appris par Dieu, et ce qui est appris par Dieu est tout. Après ce long préambule, Tertullien entre en matière et expose ses idées sur l'âme.

L'âme a été créée par le souffle de Dieu, et non par son esprit; elle est matérielle et composée d'une substance différente du corps et particulière; elle a toutes les qualités de la matière, mais elle est immortelle; elle a une figure comme les corps; elle nait en même temps que la chair, et reçoit un caractère d'individualité qu'elle ne perd jamais. Elle est complice des fautes du corps, et comme telle, elle est punie. Après la mort, elle descend aux enfers où elle attend le jugement dernier.

L'âme est créée, dit Tertullien, et il combat à ce sujet l'opinion de Platon qui la fait exister de toute éternité. L'Écriture tranche toute difficulté en décidant que Dieu anima l'homme de son souffle. Un grand nombre de philosophes établissent la corporalité de l'âme; c'est Hip

parque et Héraclite avec le feu, Hippon et Thalès avec l'eau, Empedocle et Critias avec le sang, Épicure avec ses atomes, Critias et ses péripatéticiens avec je ne sais quelle quintessence. Les platoniciens repoussent cette opinion. Tout corps, disent-ils, est animé, ou inanimé. S'il est inanimé, il est mû ou peut être mû extérieurement; s'il est animé, il est mû intérieurement. Or l'âme n'est pas mue extérieurement, et elle n'est pas mue non plus intérieurement; donc elle n'est pas un corps, puisqu'elle échappe aux deux conditions qui font les corps. Or on ne saurait admettre la proposition de Platon. Siles corps seuls sont mus extérieurement; l'âme qui est mue extérieurement, qui entre en colère, qui prophétise, qui se passionne en présence des objets extérieurs, est douc un corps.

Mais tout corps se nourrit en s'assimilant d'autres corps; c'est là une preuve de leur nature. Eh bien, l'âme se nourrit au moyen des études. Bien plus encore, Soranus démontre que sans nourriture, elle faiblit, elle languit, elle abandonne enfin le corps.

Cléanthe établit que les fils ressemblent à leurs pères non par leur extérieur seulement, mais encore par leurs qualités morales; et que l'âme se moule sur le corps.

Mais comment les sens corporels et intellectuels remplissent-ils leurs fonctions chez l'homme ? Les qualités des choses corporelles, comme terre, feu, eau, arbres, répondent aux sens corporels, c'est-à-dire au tact, à la vue, à l'ouïe, etc.; les qualités des choses incorporelles, comme la bonté, la méchanceté, la douceur, répondent aux sens intellectuels.

Mais pour établir la corporalité de l'âme, nous avons assez cité les philosophes; recourons à l'Évangile. Ce saint livre nous montre une âme dans les enfers, dévorée par les flammes et tourmentée par la soif; elle demande à l'âme d'un bienheureux qu'il daigne laisser tomber de son doigt une goutte d'eau. Pensera-t-on que le mauvais riche qui se lamente et le pauvre qui se réjouit ne soient qu'une parabole ? Mais ce n'est point une parabole; on donne à l'un d'eux le nom de Lazare. Mais lors même que ce ne serait point la vérité, c'en serait toujours une image. Si l'âme n'avait pas un corps, en prendrait-elle l'apparence, et l'Écriture ferait-elle mention de ses

membres?

L'âme a donc un corps; il est conséquent qu'elle ait une figure, c'est-à-dire les trois dimensions matérielles. Il est aujourd'hui une de nos sœurs, dit Tertullien, douée du pouvoir des révélations. En extase dans l'esprit, elle les éprouve pendant les services divins; elle converse avec les anges, quelquefois avec le Seigneur; elle voit et entend les sacremens, connaît les cœurs de quelques hommes, et donne des remèdes à ceux qui en cnt besoin. Soit qu'on lise les Écritures, qu'on chante les psaumes, qu'on adresse des allocutions au peuple, ou qu'on accorde des demandes, elle trouve là matière a ses visions. Par hasard je ne sais quelle chose nous dimes sur l'âme pendant qu'elle était dans l'esprit, Le service saint célébré, et le peuple sorti... Entre autres choses, dit-elle, une âme s'est montrée à moi corporellement, et je voyais l'esprit revêtu entièrement d'une forme humaine, brillante, et d'une couleur d'azur (atherii coloris). Voilà sa vision. »

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