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RECHERCHES SUR LA NATURE ET LES CAUSES

DU PAUPÉRISME,

EN FRANCE ET EN EUROPE,

ET SUR

LES MOYENS DE LE SOULAGER ET DE LE PRÉVENIR;

PAR

M. LE Vĉe ALBAN DE VILLENEUVE-BARGEMONT,
ANCIEN CONSEILLER D'ÉTAT, PRÉFET DU NORD, ANCIEN DÉPUTÉ, etc.

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CHRÉTIENNE,

OU

RECHERCHES SUR LA NATURE ET LES CAUSES

DU PAUPÉRISME.

LIVRE II.

DE LA SITUATION ET DU NOMBRE DES INDIGENS

ET DES MENDIANS EN EUROPE ET EN FRANCE.

CHAPITRE I.

DU NOMBRE ET DE LA SITUATION DES INDIGENS EN EUROPE.

Si l'on veut chercher les causes de la multiplicité des pauvres et de la nécessité des taxes pour les soulager, on les trouvera, non dans la rareté des vivres ou le défaut de travail, mais dans le relâchement de la discipline et la corruption des mœurs.

(LOCKE.)

APRÈS avoir cherché à constater les diverses causes de l'indigence, nous devons en montrer les effets numériques et moraux, dans les différentes contrées où elles se sont plus ou moins développées. Mais, en commençant à tracer ce tableau, nous avons dû regretter que les pro

grès de la statistique administrative n'aient point encore donné des notions certaines sur le nombre des pauvres existant au sein de chaque nation de l'Europe. A cet égard nous sommes privés de renseignemens officiels et réduits à des calculs approximatifs dont nous ne pouvons complétement garantir la rigoureuse exactitude. L'Angleterre, les Pays-Bas et la France (pour laquelle nous avons fait des recherches spéciales), nous offrent seules des documens plus précis et plus voisins de la vérité.

Nous ne croyons pas nous tromper, toutefois, en avançant que le paupérisme marche partout en raison de l'agglomération et de l'accroissement de la population ouvrière, de la direction donnée à l'industrie, de la concentration des capitaux et des bénéfices du travail, et surtout du relâchement des principes moraux et religieux. On devra donc trouver plus de pauvres partout où les théories de la civilisation et de l'économie politique nées en Angleterre, auront reçu une plus ancienne et plus vaste application. Par une conséquence naturelle, on en remarquera un plus grand nombre dans les pays manufacturiers que dans les pays agricoles, dans les états protestans que dans les états catholiques, dans les régions du nord que dans celles du midi, sauf les exceptions que réclament toujours les règles générales, modifiées nécessairement par des circonstances de lieu et de temps.

Quelques auteurs ont évalué à 17 millions le nombre des indigens qui se trouvent en Europe. Ce serait environ le 1/13 15 de sa population générale que l'on porte à 226,445,200 habitans. Un écrivain de l'Universel (1) élevait ce nombre à 50,000,000, c'est-à-dire à environ 15 de la population totale. Ce calcul serait d'une exagération trop manifeste pour être combattue, s'il ne se rapportait à la masse des ouvriers qui n'ont que leur tra

(1) M. Benoistón de Châteauneuf.

vail pour exister. Or, nous comprenons, sous le nom de pauvres, les individus seulement que le défaut, l'impuissance ou le refus de travail laissent à la charge de la charité publique. D'après nos recherches et nos calculs, il existe de ces derniers environ 10,897,555, c'est-à-dire 1/20 8|10 de la population générale de l'Europe.

Voici comment ils sont distribués :

1o L'Angleterre, royaume protestant, berceau de la philosophie matérialiste et du système industriel où domine l'industrie manufacturière et le commerce extérieur, et celui de tous les pays du monde où les capitaux et les propriétés territoriales sont le plus inégalement répartis, présente une masse d'environ 5,900,000 pauvres (1). C'est le 16 de la population générale qu'on porte à 23,400,000 habitans. Il est à remarquer que, dans le royaume, la population agricole est à la population manufacturière dans le rapport de 2 à 3 (2), c'est-à-dire qu'elle compte 9,360,000 agriculteurs ou propriétaires seulement, sur 14,040,000 ouvriers industriels ou attachés au commerce extérieur. Le travail opéré par les machines excède celui de 180,000,000 d'ouvriers. L'Angleterre est également une des contrées de l'Europe où le climat impose plus de besoins et qui présente les agglomérations les plus nombreuses et les plus considérables de populations

ouvrières.

Londres, peuplée de 1,550,000 habitans, renferme 105,000 indigens. Liverpool, 27,000 sur 80,000 habitans. Cork, en Irlande, 26,000 pauvres sur 60,000. Une des paroisses de Sunderland, en Ecosse, 14,000, sur une population de 17,000 individus (3).

(1) M. le comte Alexandre Delaborde n'évaluait, en 1817, le nombre des indigens de la Grande-Bretagne qu'à 1,548,000 individus. On verra au chapitre VI sur quelles basses nos calculs ont été établis.

(2) Nous adoptons sur ce point le calcul de M. de Sismondi.

(3) Nous donnerons ailleurs des détails plus étendus sur le paupérisme qui afflige ce royaume.

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